Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée

jeta partout dans les vallées de lamentables points d’interrogation ; toutes les plaintes des abbayes ruinées tombèrent des nues sous la caverne comme à un rendez-vous de notes déchirantes ; l’air fut inondé de toutes les vibrations des lieux désolés-, nous entendîmes des coups sourds de fossoyeurs, des roulements de balanciers dans le squelette des clochers gothiques, des vagissements de nouveau-nés dévorés par des guivres, des paroles de fantômes aux oreilles de Job, des grincements de marbres tumulaires, des mélodies d’épitaphes où la brise chantait la partie du ci-gît, des frôlements d’herbes grasses, des battements d’ailes de phalènes, des soupirs de goules, des éclats de timbre fêlé, des cris de vierges vampirisées, des déchiretnents de suaires, des cliquetis d’étincelles de chats noirs, des bruits de ferraille de spectres galériens, des trios lointains d’orfraies, de grands-ducs et d’hyènes ; nos mains se collaient sur nos oreilles, mais le flot subtil de ces harmonies nous envahissait par tous les pores. Toute notre chair s’était faite oreille, et absorbait les retentissantes émanations de l’air. Ohl qu’il en coûte de sonder les profonds mystères de la musique !

Les musiciens étaient couchés, pâles, sur leurs instruments ; l’intrépide chef d’orchestre les réveilla de sa voix entraînante.

— Allons ! allons ! s’écria-t-il, les chœurs ? où sont les chœurs ? Place, place au finale de Sémiramis ! Quai mesto gemito !