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LUCAIN.

devant des murailles, et va rejoindre l’armée d’Espagne aux extrémités du monde, ordonnant de continuer le siége.

La jetée s’élève sur de solides palissades, et reçoit deux tours aussi hautes que la citadelle : elles ne sont pas fixées par des pieux à la terre, mais une force cachée les fait rouler sur le vaste glacis. Quand s’ébranlèrent ces grandes masses, Marseille crut que les vents cherchant une issue secouaient les profondes entrailles de la terre, et s’étonna de voir ses murs encore debout. De ces tours, les dards vont assaillir les hautes citadelles de la ville. Et toutefois les traits de la jeunesse phocéenne viennent plus violemment frapper les Romains. Car ce n’est pas seulement avec le bras qu’elle brandit la javeline : chassée par le ressort tendu de l’arbalète, le fer ne s’arrête pas dans une plaie ; mais, s’ouvrant passage à travers le corps et l’armure, il fuit, laissant derrière lui le trépas : après tant de blessures, il vole encore. La pierre, lancée par l’effort puissant de la baliste, semblable au rocher miné par les siècles, et que l’impétueux ouragan détache de la cime des monts, brise tout dans sa chute ; et non contente doter la vie aux corps qu’elle écrase, elle les disperse en lambeaux ensanglantés.

Cependant les braves cohortes, abritées d’une épaisse tortue (4), s’avancent sous les murs ennemis. Les premiers rangs présentent leurs armes serrées contre les armes ; un vaste bouclier protége leur tête, et les traits, qui de loin causaient tant de ravages, tombent maintenant derrière eux. Il n’est pas facile aux Grecs d’incliner leur machine, de remuer cette masse destinée à porter des coups lointains. Mais le poids des rochers leur suffit, et leurs bras nus les roulent sur l’ennemi. Tant que l’enchaînement des boucliers résiste, ils retentissent comme un toit sous la grêle impuissante, et repoussent tous les traits : mais enfin la vigueur chancelante de ces braves fatigués rompit cette longue voûte, el les boucliers désunis cédèrent sous les coups multipliés. C’est alors que le mantelet s’avance, couvert d’un sable léger : cachés sous cette toiture, sous cet abri de feuillages, les Romains viennent saper les fondements des remparts et les soulever avec le fer. Bientôt emporté par son branle terrible, le bélier s’efforce d’ouvrir la masse épaisse des murailles et de détacher une des pierres qui servent d’appui. Mais sous un déluge de feu, sous une avalanche de rochers, sous les poutres, sous les pins enflammés qui pleuvent sans relâche, le mantelet accablé s’entr’ouvre, et le soldat rentre sous la tente, épuisé par un vain effort.

Les Grecs n’avaient encore désiré que sauver leurs murailles : voici qu’ils se préparent eux-mêmes à l’attaque. Cachant sous ses boucliers des torches étincelantes, pendant la nuit, sort une vaillante jeunesse. Elle ne porte ni la lance ni l’arc homicide ; son arme c’est la flamme ; et