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LA PHARSALE.


arrosent de pleurs les statues des dieux ; celles-là pressent les dalles sous leur sein, et répandent, éperdues, la dépouille de leur chevelure sous les sacrés portiques ; des hurlements redoublés frappent les oreilles divines, accoutumées aux vœux des suppliants. Toutes ne se prosternent pas sur les autels du grand Jupiter : elles se partagent les dieux, et courent à tous les temples qui ne pourront s’envier ce triste hommage. « Ô malheureuses mères ! » disait une d’elles, les bras livides et meurtris, les joues sanglantes et mouillées de larmes, voici l’instant de frapper vos poitrines et de déchirer vos chevelures. Ne retenez pas votre plainte, ne la réservez pas pour de plus grands maux ; tandis que la fortune balance encore entre les deux chefs, nous pouvons pleurer ; quand l’un sera vainqueur, il faudra nous réjouir. » C’est ainsi qu’elles irritent leur propre douleur.

Comme elles, les hommes, allant se ranger sous les drapeaux contraires, se répandent en justes reproches contre l’inclémence du ciel : Infortunés ! pourquoi le temps d’Annibal, de Cannes et de Trébie ne nous a-t-il pas vus naître ? Dieux ! ce n’est point la paix que nous demandons ! Donnez des colères aux nations ; soulevez des peuples barbares ; que le monde se conjure pour la guerre ; que les bataillons mèdes descendent de laniique Suse ; que l’Ister scythique n’enchaîne plus les Massagèles ; que, des confins du Nord, l’Elbe verse sur nous ses blonds Suèves et les hordes indomptées qui peuplent la source du Hhin. Faites-nous ennemis de tous les peuples ; mais détournez la guerre civile. Daces et Gétes, pres-ez-nous de tous côtés. Que l’un coure au-devant des Ibères ; que l’autre touine ses enseignes contre les Parthes armés de flèches ; que Rome n’ait pas un seul bras en repos. Ou, s’il vous plaît, grands dieux, d’anéantir le nom laiin, que le ciel tout entier s’embrase et tombe en pluie de feu sur nos têtes ! Père inexorable, frappe avant qu’ils le méritent et les deux partis, et les deux chefs. Vont-ils se disputer par tant de forfaits nouveaux, le(juel des deux sera le maître de Rome ? À peine eût-il fallu se résoudre à la guerre civile pour n’avoir ni l’un ni l’autre. » Tels sont les derniers soupirs de la piété plaintive. Les vieillards, pleins d’angoisse, maudissent la trame sans fin d’une longévité qui leur pèse, et leurs jours conservés pour une autre guerre civile. L’un d’eux, cherchant dans le p ;isséle triste exemple d’une pareille terreur, — Les destins, dit-il, ne nous préparaient pas d’autres orages, quand, après la défaite des Cinibres et les triomphes de Numidie, Marius cachait sa lèie proscrite dans un bourbier de Miniurnes. La vase s’ouvrit, ô Fortune 1 pour cacher (on dépôt sous le sol liquide du marécage. Enlin, la chiJÎne de fer chargea ce vieillard qui pourrit longtemps dans un cachot. Celui qui devait mourir consul et puis-