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LA PHARSALE.


de l’Olympe, cacha son char de feu sous de noires ténèbres, enveloppa l’univers dans l’ombre, et força les nations à désespérer du jour, de même qu’autrefois le soleil, reculant vers son berceau, livrait à la nuit la ville de Thyeste. Dans la Sicile, Vulcain irrité ouvrit les bouches de l’Etna ; et le (eu ne monta pas vers le ciel, mais du faîte incliné de la montagne tomba sur les flancs de l’Hespérie. La noire CarybJeen{jouflra dans ses abîmes une mer de sang : ses chiens cruels aboyèrent des sanglots. On ravit le l’eu sur l’autel de Vesta ; la torchct qui annonce les Latines achevées(4), sépara sa lumière, et deux flammes en jaillirent, comme du bûcher des frères thebains. La terre s’affaissa sur ses pôles, et les Alpes antiques secouèrent la neige de leurs cimes chancelantes. Thétis promena ses grandes eaux au sommet de l’Atlas et de l’Hespérien Calpé[1]. Les dieux indigètes pleurèrent, et les gouttes de sueur inondant nos Lares, témoignèrent des maux dont Rome étoit travaillée. Les offrandes tombèrent sur les dalles des temples ; les oiseaux nocturnes souillèrent le jour ; et la nuit, les bêtes fauves, délaissant leurs forêts, vinrent audacieusement placer leur lanière au sein de Rome. La langue des brutes se prête à murmurer des >ons humains : de l’homme naissent des monstres hideux parle nombre et la forme de leurs membres ; l’enfant épouvante sa mère. Les chants sinistres de l’oracle de Cumes se répandent parmi le peuple. Les bras déchirés, ceux qu’agite la farouche Bellone[2] annoncent les dieux ; et les prêtres de Cybèle, secouant leur chevelure sanglante, hurlent aux nations de tristes alarmes : les urnes pleines gémissent sans déranger leurs ossements. On entend le fracas des armes et de grandes voix dans les profondeurs des forets : les fantômes se présentent à la face des hommes. Ceux qui labourent les champs aux portes de la ville s’enfuient. La géante Erinnys vole autour des murs : elle brandit un pin menaçant dont la cime jette la flamme, et ses serpents sifflent sur sa tête. Elle excitait ainsi la thébaine Agave ; ainsi l’Euménide dirigeait le fer du parricide Lycurgue(5) ; ainsi Mégère, aux ordres de la cruelle Junon, épouvantait Alcide, qui n'avait pas craint le dieu des enfers.

On entendit le fracas des clairons ; et autant il s'élève de clameurs de deux armées qui se heurtent, autant la nuit épaisse en poussa du fond de ses ombres silencieuses. Au milieu du Champ-de-Mars on vit se dresser les mânes de Sylla, révélant de tristes prophéties ; et, près de sa tombe brisée, Marius levant sa tête des froides ondes de l'Anio, fit finir le laboureur épouvanté.

On crut devoir, suivant l'antique usage, appeler les devins d'Étrurie. Le plus âgé d'entre eux, Arruns, habitait les murs solitaires de Luca. Il connaissait les avertissements de la foudre,

  1. Aujourd’hui Gibraltar.
  2. Les Corybantes