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porté par une rafale ; on ne s’en aperçut que lorsqu’il ne fut plus temps de lui porter secours. J’entends encore la voix du capitaine appelant et comptant ses matelots « Jacques, Pierre, André, Remy, Christian, Robert, où êtes-vous ?… — Présents. — Et Jean-Marie, Jean-Marie ! » et toutes ces rudes voix qui criaient : « Jean-Marie ! » Jean-Marie ne répondit pas, il avait disparu ; sur huit hommes d’équipage, nous en avions perdu un. Le pauvre Jean-Marie était le charpentier du bord. C’était son premier voyage ; il devait, à son retour, se marier mais il avait épousé la mort. Personne ne dormit à bord cette nuit-là. On avait raison, pensais-je, c’est un lieu dangereux et funèbre que le cap Horn. La mer mugissante et le vent qui ne cessait de souffler formaient un lugubre accompagnement à ces sombres pensées. Nous restâmes ainsi douze jours en panne ; puis, nous doublâmes le cap ; bientôt après la chaleur revint, et nous repassâmes la ligne pour la seconde fois. Notre navigation dans les mers du Mexique et du Pérou fut assez heureuse. Jusqu’alors nous avions conservé l’espoir que notre capitaine ferait une relâche à Lima, mais il n’en fit rien.