trop distrait ; le sourire à demi fixé sur ses lèvres tenait plutôt son expression de la raillerie fine que de l’admiration.
Ce beau dédaigneux plut tout de suite à Mademoiselle Yolande.
Elle trouvait du charme même à le voir de temps en temps tirer d’une poche de sa longue veste de velours rose, bordée de paillettes et de paillons de couleur, une tabatière mignonne dont il regardait longtemps le couvercle avant de l’ouvrir. Sur ce couvercle il y avait peut-être la miniature d’un être chéri ; Mademoiselle Yolande regrettait bien de ne pouvoir s’en assurer…… Il plongeait avec une grâce infinie le pouce et l’index dans la poudre de tabac parfumée, en aspirait avec délice quelques grains. Oui, il mettait de l’exquisité même dans ce geste que nous trouvons aujourd’hui presque grossier ; il en mettait surtout en faisant mine de chasser du jabot de sa chemise de fine baliste, ornée de dentelles, quelque peu de menue poussière de tabac d’Espagne qui n’y était pas tombée.
Qui était ce beau mystérieux ? La réponse n’était pas facile à faire, surtout pour une personne vivant dans une solitude aussi complète que celle où languissait Mademoiselle Yolande. Pour être d’un rang élevé, la chose ne pouvait faire doute ; mais à quelle famille appartenait-il ce héros de la fête nocturne donnée par le marquis Jacques à tout un monde d’élite ? Car c’était bien le marquis Jacques dont Mademoiselle Yolande apercevait la silhouette peu gracieuse mêlée à ces silhouettes élégantes, le profil peu aristocratique penché sur les frais minois de ces marquises et de ces comtesses.