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habitants. Les campagnes se couvrirent des mûriers provenant de ses pépinières ; il en donna à qui en voulut. Au bout de quelques années, on ne pouvait plus trouver à la Sône et dans les environs, un seul journal de terre inoccupé. Il se procura pour les propager les œufs ou graines des meilleures espèces de vers-à-soie. Jusque là, les rares éducateurs du précieux insecte avaient obtenu à grand peine huit sous la livre de leurs plus beaux cocons : Étienne Jubié doubla ce prix. Grâce à l’arbre d’or, on put se croire revenu à l’âge d’or. On peut juger si l’opinion se fit aimable et favorable pour lui. Et, de fait, ce chercheur, cet innovateur, ce simple industriel, esprit actif et précis, cerveau toujours en ébullition et en enfantement, pouvait être dès ce moment compté au nombre de ceux qu’on a appelés du grand nom de bienfaiteurs de l’humanité.

Les ouvriers piémontais qu’il avait fait venir formèrent d’autres ouvriers, qui, devenus habiles à leur tour, dressèrent de nombreux apprentis. La Sône devint une sorte de ruche qui s’emplissait de miel, mais d’où de nombreux essaims, sortant fréquemment, allaient former d’autres centres d’industrie semblables. Tout en attestant la puissance, la force, la vitalité de la ruche mère, ces nouveaux établissements ne laissaient pas de lui nuire, et les intérêts les plus directs d’Étienne Jubié étaient menacés par cette concurrence qui ne fut pas toujours loyale. Fort du bien qu’il avait fait, il adressa au Gouvernement, dont les belles promesses à son égard ne s’étaient jamais réalisées, trois requêtes tendant à obtenir le privilége exclusif du moulinage des soies dans toute l’étendue du Dauphiné.