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pourrait l’acquérir à des conditions assez douces, mais que la position et les eaux étaient à peu près tout ce qui constituait l’actif du domaine. Peu lui importait ! N’était-ce pas l’essentiel ?

Une escouade d’ouvriers, sous les ordres d’un maître intelligent se mit à l’œuvre. Étienne Jubié avait fait lui-même les plans. Non content de cela, il passait ses journées au milieu des travailleurs, les dirigeant, activant leur zèle.

Les habitants du bourg savaient maintenant ce qu’on allait faire du vieux château : une manufacture. Cette destination leur parut d’abord une profanation indigne. Ils pensaient toujours que quelque chose se révolterait dans ces pierres remuées ; que les esprits invisibles protesteraient : mais non, ils laissaient faire, ne se scandalisant pas de cette violation de leur retraite, ne s’enfuyant même pas. Et les murs se relevaient du milieu des décombres, et les grands toits d’ardoises, aux teintes bleuâtres, s’étendaient sur les vastes salles réédifiées. Avant la fin de l’année, le château de la Sône dont, bien entendu, on avait commencé par rendre les abords praticables, présentait au regard cet aspect irrégulier mais gracieux, qui le caractérise encore. Les années, en passant sur l’édifice reconstruit, lui ont rendu une poésie qui n’est plus, il est vrai, celle émanant de la forteresse féodale, mais qui, cependant, ne manque ni de grandeur ni de caractère.

Plus Étienne Jubié faisait connaissance avec ce pays, plus il s’y attachait de cœur et plus il en rêvait la prospérité. Il parcourait les campagnes couvertes d’arbres épuisés par une production séculaire et que le paysan ne cherchait ni à remplacer ni à améliorer