Puis, forcé lui-même de céder au nombre, il acheva ou du moins crut achever l’œuvre commencée par de Gordes. Il combla le ravin qui servait de fossé à la citadelle, obstrua par un éboulement provoqué la seule entrée du vieux donjon, et, satisfait, se retira, ne pensant pas que personne pût avoir l’idée de s’emparer d’un logis dont ses partisans eux-mêmes ne voulaient plus.
En effet, pendant plus de cent ans, l’histoire du château de la Sône sembla finie, son rôle parut terminė.
Pendant cent ans, on put voir des escaliers en colimaçon où la lumière ne rencontrant plus d’obstacles, descendait ruisselante comme la fonte lorsqu’elle se précipite embrasée hors du haut-fourneau. Par contre, la pluie y tombait en cascades aux jours d’orage.
On put voir encore des salles suspendues qui n’avaient pour plafond que le ciel, des murailles avec des fissures de cent pieds, des guérites accrochées comme des nids d’hirondelle au faîte, au flanc des façades restées debout, tout cela dominé par une haute tour à peine meurtrie par tant de coups, laquelle dominait à pic l’Isère et reflétait dans les eaux ardoisées son profil étrange, déchiqueté, balafré et toujours terrible.
Pendant cet intervalle, mille récits fabuleux s’accréditèrent sur le compte du vieux manoir. Le château de la Sône, où le pas de l’homme ne se faisait plus entendre, où sa voix ne troublait plus les échos, n’était pourtant pas solitaire, s’il fallait en croire les bruits courant au bourg voisin. Car, c’est une vérité que là où cesse la vie, l’homme, qui a horreur de ce qui n’est plus la vie, crée des existences chimériques