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Fusains.

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Elle a baisé mes mains sanglantes…

Si je savais ciseler ces phrases qui sonnent à l’oreille comme le galop d’un cheval, qui glissent entre les dents comme les grains d’une grenade, qui vont au cœur comme un sabre, j’écrirais, ô ma bien-aimée, un poëme sur tes cils, un poëme sur tes cheveux. Si j’étais un poëte, je dirais pourquoi tes yeux sont deux étoiles tombées des cieux qu’on rêve, pourquoi tes lèvres sont deux feuilles de l’arbre qui fait oublier, pourquoi tes seins sont deux vagues de la mer où le corail brille.

Elle a baisé mes mains sanglantes…

Si je pouvais donner à des vers le goût de tes baisers, je les pétrirais lentement, et, pendant que ma plume glisserait tremblante, l’abeille se poserait sur mon doigt, le rossignol ferait son nid sur ma main.

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Je n’ai pas pu mettre une selle sur ma pensée ; elle bondit, comme un mouton sauvage, du sable aux rochers. Je n’ai pas pu mettre sur ma langue un frein d’or ; elle ne sait que crier : « En avant ! » quand les fusils s’abaissent ; que rugir comme une lionne lorsque, la