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teur, tout sera fini. Il ne sera jamais nommé ; et il n’atteindra pas ce haut emploi, qui a été le rêve de toute sa vie…

« Il en mourra de chagrin.

« Tu ne veux pourtant pas que mon père meure de chagrin.

— Non ! Bien sûr !

— Qu’est-ce que ça te fait, après tout, puisque je ne l’aime pas, et que tu resteras mon amant.

C’est moi qui me sacrifie !

Et Juliette poussa un nouveau soupir.

— On ne comprendrait pas si je refusais un tel parti : Un haut fonctionnaire, chevalier de la légion d’honneur, qui a une fortune personnelle.

— Et qui est beaucoup plus âgé que toi.

— Quarante ans ! Ça peut encore aller… pour un mari.

— Eh bien ! non !… non… Je ne veux pas que tu te sacrifies, ma petite Juliette chérie. Tu es mienne et je veux te garder… pour moi tout seul.

Tu es un grand égoïste !

— Égoïste ou non ! Ce sera comme ça !

Et, serrant dans ses bras le corps de la jolie Juliette qui ne protestait nullement, Albert se mit à l’embrasser follement.

— Dis que tu es à moi tout seul !

— Oui… mon chéri.

— Que tu m’aimes bien !

— Oh ! oui…

— Que tu ne seras pas à l’autre !

— Non !

— Jure-le !

— Je le jure… Oh ! Albert ! Albert !…

— Juliette… Il ne te possèdera pas… jamais… Il n’y a que moi qui te posséderai…

Juliette ne disait plus rien ; elle fermait les yeux.

Quand Albert desserra l’étreinte de ses bras, elle le regarda, sourit et dit :

— Crois-tu qu’on dit des bêtises dans ces moments-là ?

— Des bêtises ?

— Oui, mon chéri. Je crois bien que j’ai juré que je ne serais jamais à mon futur mari… et il y a deux heures, on fixait la date de mon mariage…

— Qui n’aura pas lieu.

Juliette sauta en bas du lit.

— Mon petit Albert, dit-elle, tu m’as promis d’être raisonnable.

« Je te l’ai dit… Je dois me sacrifier pour ma famille…

« Tu ne veux pas me briser le cœur, n’est-ce pas ?

— Te briser le cœur ?