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les beaftecks confortables avaient été arrosés de vins généreux, avait, en effet, suffi à Prosper Benoît pour lui rendre les forces qu’avait tenté inutilement de lui enlever Mme Vve Violet, née Briquet.

Quant à la douce colombe, elle levait les yeux vers le loup en tâchant de mettre dans son regard toute l’innocence qu’elle n’avait plus, et en se faisant à elle-même des réflexions dans le genre de celle-ci : « Penser que cet imbécile se figure qu’il va cueillir véritablement une fleur d’oranger !… Quelle prétention ! »

Or, M. le Directeur avait cette prétention ; il était même très fier des regards que tous les hommes lançaient vers la jeune mariée, regards qui exprimaient clairement la jalousie de ces hommes, lesquels semblaient tous dire : « En a-t-il de la veine ce Benoît ! » Amère dérision ! Il y a loin de la coupe aux lèvres… et le directeur devait s’en rendre compte quelques heures plus tard.

Les invités étaient encore, sur le coup de cinq heures du soir, occupés à médire des uns des autres en avalant les derniers sandwichs et les derniers petits gâteaux du buffet dressé aux frais du gouvernement, pendant que M. et Mme Benoît roulaient en automobile vers Fontainebleau.

La tante du directeur et-les parents de Juliette ainsi que les témoins les accompagnaient, un dîner intime devant réunir ces personnages à la villa même.

Ce ne fut qu’après ce dîner que Prosper et sa jeune femme se retrouvèrent enfin seuls, les autos remmenant leurs parents ayant fui vers la capitale.

L’heure était venue où M. le Directeur allait — du moins il le pensait — pouvoir coucher avec sa femme.

Avant de poursuivre notre récit, revenons un peu en arrière.

On sait que la villa n’avait pour tout domestique que le brave jardinier Onésime.

Naturellement, pour ce jour-là, la tante de Prosper avait amené ses gens, c’est-à-dire sa cuisinière et sa femme de chambre, cette dernière ayant servi à table aidée par Fernande, qui avait dû se prêter à cette obligation, conséquence fatale du rôle qu’elle avait accepté de remplir auprès de Juliette.

Fernande, qui mangea à l’office avec les trois domestiques, s’était employée à faire boire le jardinier.

— Allons, disait-elle… allons, père Onésime, encore un verre de vin.

Et Fernande versait tant et si bien qu’Onésime recommença plusieurs fois à boire à la santé successivement des futurs petits neveux, des jeunes mariés, de leur tante, de