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Mon cœur a saigné bien souvent, car je vous aime comme il est écrit et n’ai pu supporter sans souffrance le spectacle de vos misères spirituelles.

C’est pour cela que je dois, comme un père, vous parler durement, et qu’aujourd’hui ma conscience et mon devoir m’ordonnant de ne plus me taire, je ferai violence à mes sentiments naturels pour dire ce qu’il faut que je dise, car il y va de votre âme, du salut de votre âme immortelle, mes frères.

C’est surtout à vous, pères et mères, que je m’adresse. Écoutez-moi :

Tous les matins vous envoyez vos fils et vos filles porter les légumes au marché, et de ceci je ne vous blâme point, car vous vous dites : ils sont jeunes et nous sommes vieux, leurs jambes sont plus solides que les nôtres, et ce qui serait pour nous une fatigue et une corvée est pour eux un exercice et un délassement ; c’est parfaitement juste.

Mais savez-vous bien, mes sœurs, ce qui se passe au marché ? Non, vous ne le savez pas et je vais vous l’apprendre.

Lorsque le travail est terminé, que les légumes sont vendus, que les fruits sont livrés, les garçons, invariablement, font aux filles la proposition suivante : si tu veux payer un gâteau, j’offrirai une bouteille avec du pain et du fromage ou du saucisson. On accepte toujours, mes frères.