D’ailleurs il a pas mal lu, Nastase ; autrefois, avec Totome, ils passaient des soirées et des veillées à chercher des mots chics dans le petit Larousse ; il sait même du latin, ce bougre-là, et il aime à le placer dans la conversation : ecce homo, sic, eurêka, cynégétique, unguibus et rostro, high life, et bien d’autres mots encore.
Je ne crus point ici devoir détromper le père Milot au sujet de ses croyances linguistiques et il continua :
On fit silence après avoir déclaré, fort cérémonieusement, qu’on accordait la parole à Nastase, qui vida son verre et monta sur la table.
Il était en manches de chemise, comme d’ailleurs presque tout le monde, et je le verrai toujours : sa figure basanée, ses traits énergiques, ses cheveux de corbeau, ses yeux noirs lui composaient une physionomie qui avait vraiment du cachet, et il avait l’air tellement convaincu !
Chacun écoutait :
— Messieurs, commença-t-il, en étendant les bras… Messieurs, mes amis…
Une larme lui vint au bord des paupières.
— Mes chers amis, continua-t-il, écoutez-moi bien, écoutez-moi… Oui, je vais vous dire, laissez-moi vous dire… je… c’est-à-dire… n’est-ce pas… parfaitement ! Je vais vous dire… la justice !… la vérité !… vous comprenez ? Enfin, je voudrais vous faire comprendre…