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des droits aux peuples d’Italie ; de distribuer des terres aux pauvres et aux vétérans, et d’assurer, par une administration équitable, la prospérité des provinces ! c’eût été insensé. La question n’avait pas les proportions mesquines d’une querelle entre deux généraux se disputant le pouvoir : c’était la rencontre décisive entre deux causes ennemies, entre les privilégiés et le peuple ; c’était la continuation de la lutte formidable de Marius et de Sylla[1] !

Il y a des circonstances impérieuses qui condamnent les hommes politiques soit à l’abnégation, soit à la persévérance. Tenir au pouvoir lorsqu’on ne saurait plus faire le bien, et que, représentant du passé, on ne compte, pour ainsi dire, de partisans que parmi ceux qui vivent des abus, c’est une obstination déplorable ; l’abandonner lorsqu’on est le représentant d’une ère nouvelle et l’espoir d’un meilleur avenir, c’est une lâcheté et un crime.


César passe le Rubicon.

V. César a pris son parti. Il a commencé la conquête des Gaules avec quatre légions ; il va commencer celle de l’univers avec une seule. Il lui faut d’abord s’emparer à l’improviste d’Ariminum (Rimini), première place importante de l’Italie, du côté de la Cisalpine. À cet effet, il envoie en avant un détachement composé de soldats, de centurions éprouvés et commandés par Q. Hortensius ; il échelonne une partie de sa cavalerie sur la route[2]. Le soir arrivé, sous prétexte d’une indisposition, il quitte ses officiers, qui étaient à table, monte dans un char avec quelques amis et va rejoindre son avant-garde. Parvenu près du Rubicon, ruisseau qui formait la limite de son gouvernement et que

    tion de dettes, rappel d’exilés et tant d’autres attentats ? » (Cicéron, Lettres à Atticus, VII, xi.)

  1. « Un pouvoir à la Sylla, voilà ce que Pompée envie, et tout ce que veulent ceux dont il est entouré. » (Cicéron, Lettres à Atticus, VIII, xi.)
  2. Appien, Guerres civiles, II, xxxv. — Plutarque, César, xxxv.