Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tant d’autres, tué dans une émeute. Ici se pose naturellement cette question : César, qui si souvent avait affronté la mort sur les champs de bataille, ne devait-il pas aller l’affronter à Rome sous une autre forme, et renoncer à son commandement, plutôt que d’engager une lutte qui devait jeter la République dans tous les déchirements d’une guerre civile ? Oui, si par son abnégation il pouvait arracher Rome à l’anarchie, à la corruption, à la tyrannie. Non, si cette abnégation devait compromettre ce qui lui tenait le plus à cœur, la régénération de la République. César, comme les hommes de sa trempe, faisait peu de cas de la vie, et encore moins du pouvoir pour le pouvoir lui-même ; mais, chef du parti populaire, il sentait une grande cause se dresser derrière lui ; elle le poussait en avant et l’obligeait à vaincre en dépit de la légalité, des imprécations de ses adversaires et du jugement incertain de la postérité. La société romaine en dissolution demandait un maître ; l’Italie opprimée, un représentant de ses droits ; le monde, courbé sous le joug, un sauveur. Devait-il, en désertant sa mission, tromper tant de légitimes espérances, tant de nobles aspirations ? Eh quoi ! César, redevable au peuple de toutes ses dignités, et se renfermant dans son droit, se serait retiré devant Pompée, qui, devenu l’instrument docile d’une minorité factieuse du sénat, foulait aux pieds le droit et la justice ; devant Pompée, qui, de l’aveu même de Cicéron, aurait été, après sa victoire, un despote cruel, vindicatif, et eût laissé exploiter l’univers dans l’intérêt de quelques familles, incapable d’ailleurs d’arrêter la décadence de la République, et de fonder un ordre de choses assez solide pour retarder de plusieurs siècles l’invasion des barbares ! Il aurait reculé devant un parti qui lui faisait un crime de réparer les maux causés par les fureurs de Sylla et les rigueurs de Pompée en rappelant les exilés[1] ; de donner

  1. « Est-ce tenir à l’honneur… (de la part de César) de ne rêver qu’aboli-