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moins riches, tant qu’ils étaient sous les armes, ne pouvaient prendre soin de leurs champs ou de leurs fermes, et empruntaient pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. La dette avait, dans ce cas, une noble origine, le service de la patrie[1]. L’opinion publique devait donc être favorable aux débiteurs et hostile à ceux qui, spéculant sur la gêne des défenseurs de l’État, exigeaient un gros intérêt des sommes prêtées. Les patriciens aussi abusaient de leur position et de la science des formules judiciaires pour exiger de fortes sommes des plébéiens dont ils défendaient les causes[2].

Les rois, accueillant les réclamations des citoyens obérés, s’étaient souvent empressés de les secourir[3] ; mais, après leur expulsion, les classes riches, plus indépendantes, devinrent plus intraitables, et l’on vit des hommes, ruinés à

  1. « Marcus Valerius leur démontra que la prudence ne leur permettait pas de refuser une chose de peu d’importance aux citoyens qui, sous le gouvernement des rois, s’étaient signalés dans tant de batailles pour la défense de la République. » (An de Rome 256.) (Denys d’Halicarnasse, V, lxv.) — « D’un côté, les plébéiens feignaient de n’être point en état de payer leurs dettes ; ils se plaignaient que, pendant tant d’années de guerre, leurs terres n’avaient rien produit, que leurs bestiaux avaient péri, que leurs esclaves s’étaient échappés ou leur avaient été enlevés dans les différentes courses des ennemis, et que tout ce qu’ils possédaient à Rome, ils l’avaient dépensé pour les frais de la guerre. D’un autre côté, les créanciers disaient que les pertes étaient communes à tout le monde ; qu’ils n’en avaient pas moins souffert que leurs débiteurs ; qu’ils ne pouvaient se résoudre à perdre encore ce qu’ils avaient prêté en temps de paix à quelques citoyens indigents, outre ce que les ennemis leur avaient enlevé pendant la guerre. » (An de Rome 258.) (Denys d’Halicarnasse, VI, xxii.)
  2. Ceux qui plaidaient les causes des particuliers étaient presque tous sénateurs, et exigeaient pour ce service de très-fortes sommes, à titre d’honoraires. (Tite-Live, XXXIV, iv.)
  3. « Les jours suivants, Servius Tullius fit dresser un état des débiteurs insolvables, de leurs créanciers et du montant respectif de leurs dettes. Dès qu’il eut ce relevé, il fit établir des comptoirs dans le Forum, et, à la vue de tous, remboursa aux prêteurs ce qui leur était dû. » (Denys d’Halicarnasse, IV, x.)