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avaient plus de droits que d’autres aux terres conquises ; ils pensaient d’ailleurs que les colonies suffisaient pour entretenir une population agricole, et ils agissaient plutôt en fermiers de l’État qu’en propriétaires du sol. D’après le droit public, en effet, l’ager publicus était inaliénable, et on lit dans un ancien auteur : « Les jurisconsultes nient que le sol qui a une fois commencé à appartenir au peuple romain puisse jamais, par l’usage ou la possession, devenir la propriété de qui que ce soit au monde[1]. » Malgré ce principe, il eût été sage de donner aux citoyens pauvres qui avaient combattu une part des dépouilles des vaincus ; aussi les demandes furent-elles incessantes, et, dès 268, renouvelées, presque d’année en année, par les tribuns ou par les consuls mêmes. En 275, un patricien, Fabius Cæson, prenant l’initiative d’un partage de terres récemment conquises, s’écria : « N’est-il pas juste que le territoire enlevé à l’ennemi devienne la propriété de ceux qui l’ont payé de leur sueur et de leur sang[2] ? » Le sénat fut inflexible pour cette proposition comme pour celles qui furent mises en avant par Q. Considius et T. Genucius en 278, par Cn. Genucius en 280, par les tribuns du peuple, avec l’appui des consuls Valerius et Æmilius, en 284[3]. »

  1. Agennius Urbicus, De controversiis agrorum, dans les Gromatici veteres, édit. Lachmann, t. I, p. 82.
  2. Tite-Live, II, xlviii.
  3. « Lucius Æmilius dit qu’il était juste que les biens communs fussent partagés entre tous les citoyens plutôt que d’en laisser la jouissance à un petit nombre de particuliers ; qu’à l’égard de ceux qui s’étaient emparés des terres publiques, ils devaient être assez contents de ce qu’on les en avait laissés jouir pendant si longtemps sans les troubler dans leur possession, et que, si on les leur ôtait dans la suite, il ne leur convenait pas de s’entêter à en conserver la jouissance. Il ajouta qu’outre le droit reconnu par l’opinion générale, et d’après lequel les biens publics sont communs à tous les citoyens, de même que les biens des particuliers appartiennent à ceux qui les ont acquis légitimement, le sénat était obligé, par une raison spéciale, à distribuer les