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de direction nécessaires chez un peuple toujours en guerre avaient disparu ; mais le mal eût été plus grave si la conformité d’intérêts et de vues d’individus appartenant à une même caste n’était venue l’atténuer. L’homme valait mieux que les institutions qui l’avaient formé.

La création des tribuns du peuple, dont le rôle devint plus tard si important, fut, en 260, une nouvelle cause de discorde : les plébéiens, qui composaient la plus grande partie de l’armée, demandèrent à avoir leurs chefs militaires pour magistrats[1] ; l’autorité des tribuns fut d’abord restreinte : on peut s’en convaincre par les termes suivants de la loi qui les établit[2] :

« Personne ne contraindra un tribun du peuple, comme un homme du commun, à faire quelque chose malgré lui ; il ne sera permis ni de le frapper, ni de le faire maltraiter par un autre, ni de le tuer ou de le faire tuer[3]. »

Qu’on juge par là du degré d’infériorité auquel étaient réduits les plébéiens Le veto des tribuns pouvait néanmoins arrêter les propositions de lois et les décisions des consuls et du sénat, les levées de troupes, la convocation des comices, l’élection des magistrats[4]. Dès 297, leur

  1. « On appela tribuns du peuple ceux qui, de tribuns des soldats qu’ils étaient d’abord, furent chargés de défendre le peuple pendant sa retraite à Crustumère. » (Varron, De la Langue latine, V, 81, édition O. Müller.)
  2. « Les mécontents obtinrent des patriciens la confirmation de leurs magistrats ; ensuite ils demandèrent au sénat la permission d’élire tous les ans deux plébéiens (édiles) pour seconder les tribuns dans toutes les choses où ils auraient besoin d’aide, pour juger les causes que ceux-ci leur remettraient entre les mains, pour avoir soin des édifices sacrés et publics, et pour assurer les approvisionnements du marché. » (An de Rome 260.) (Denys d’Halicarnasse, VI, xc.)
  3. Denys d’Halicarnasse, VI, lxxxix.
  4. Les tribuns s’opposent à l’enrôlement des troupes. (An de Rome 269.) (Denys d’Halicarnasse, VIII, lxxxi.) — « Licinius et Sextius, réélus tribuns du peuple, ne laissèrent créer aucun magistrat curule ; et, comme le peuple renommait toujours les deux tribuns, qui toujours repoussaient les élections de tribuns militaires, la ville demeura cinq ans privée de magistrats. » (An de Rome 378.) (Tite-Live, VI, xxxv.) — « Toutes les fois que les consuls convoquaient le