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nir et de hâter le progrès par sa coopération, résistait à l’élan général, niait l’évidence, et ne savait pas, à travers les défauts de certains adhérents du pouvoir, discerner la grandeur de la cause.

César supportait avec peine les attaques de Cicéron ; mais, comme ceux que guident de grandes vues politiques, supérieur aux ressentiments, il ménageait tout ce qui pouvait exercer de l’ascendant sur les esprits, et la parole de Cicéron était une puissance. Dion-Cassius explique ainsi la conduite de César : « Il ne blessa Cicéron ni par ses paroles ni par ses actes ; il disait que souvent bien des hommes lancent à dessein de vains sarcasmes contre ceux qui sont au-dessus d’eux, pour les pousser à la dispute, dans l’espérance de paraître avoir quelque ressemblance avec eux et d’être mis sur le même rang, s’ils parviennent à être injuriés à leur tour. César crut donc ne devoir entrer en lice avec personne. Telle fut sa règle de conduite envers tous ceux qui l’insultaient, et, comme il voyait bien alors que Cicéron cherchait moins à l’offenser qu’à faire sortir de sa bouche quelques propos injurieux, par le désir qu’il avait d’être regardé comme son égal, il ne se préoccupa aucunement de lui, ne tint pas compte de ce qu’il disait, et laissa même Cicéron l’insulter tout à son aise et se louer outre mesure. Cependant il était loin de le mépriser ; mais, naturellement doux, il ne se mettait pas facilement en colère. Il avait beaucoup à punir, comme cela devait arriver au milieu des grandes affaires auxquelles il était mêlé ; mais jamais il ne cédait à l’emportement[1]. »

Il survint un incident qui montra toute l’animosité d’un certain parti. L. Vettius, ancien espion de Cicéron dans la conjuration de Catilina, puni pour avoir faussement accusé César, fut arrêté sous la prévention de vouloir attenter à sa

  1. Dion-Cassius, XXXVIII, xi.