Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec Vatinius, pour le tribunat[1]. Il existait un troisième tribun, dont le nom est inconnu, mais dont le dévouement était également acquis au consul[2].

Ainsi César, de l’aveu même de Cicéron, était déjà à lui seul plus fort que la République[3]. Il était l’espoir des uns, l’effroi des autres ; pour tous, irrévocablement le maître. L’abstention de Bibulus n’avait fait qu’augmenter son pouvoir[4]. Aussi disait-on à Rome, en plaisantant, qu’on ne connaissait que le consulat de Julius et de Caius César, faisant ainsi d’un seul nom deux personnages, et l’on colportait les vers suivants :

Non Bibulo quidquam nuper, sed Cæsare factum est :
Nam Bibulo fieri consule nil memini[5].

Et comme la faveur populaire, lorsqu’elle s’attache à un homme en évidence, voit du merveilleux dans tout ce qui se rapporte à sa personne, la foule tirait un augure favorable de l’existence d’un cheval extraordinaire né dans ses écuries. Ses sabots étaient fourchus et présentaient la forme de doigts. César seul avait pu dompter cet étrange animal, dont la docilité, disait-on, lui présageait l’empire du monde[6].

  1. Appien, Guerres civiles, II, xiv. — Dion-Cassius, XXXVIII, xii. — Plutarque, Pompée, l ; — Cicéron, xxxix.
  2. Cicéron, Pour Sextius, l. c.
  3. Cicéron, en parlant à Atticus du premier consulat de César, dit : « Tout faible qu’il était alors, César était plus fort que toute la République. » (Lettres à Atticus, VII, ix.)
  4. « Bibulus croyait rendre César suspect, il le rendit plus puissant. » (Velleius Paterculus, II, xliv.)
  5. Suétone, César, xx.
  6. César montait un cheval remarquable, dont les pieds étaient presque de forme humaine, le sabot étant fendu de manière à présenter l’apparence de doigts. Il avait élevé avec un grand soin ce cheval, né dans sa maison ; car les aruspices avaient promis l’empire de la terre à son maître. César fut le premier qui le dompta ; jusque-là l’animal n’avait souffert aucun cavalier. Dans la suite, il lui érigea, une statue devant le temple de Vénus Genitrix. (Suétone, César, lxi.)