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mit Clodius en accusation[1]. Il se défendait par l’allégation d’un alibi, et, excepté Aurelia, aucun témoin à charge ne se présentait ; César lui-même, interrogé, déclara ne rien savoir, et, pour expliquer sa conduite, il répondit, sauvegardant à la fois son honneur et ses intérêts : « La femme de César ne doit pas même être soupçonnée. » Mais Cicéron, cédant aux inspirations mesquines de Terentia, sa femme, vint certifier que le jour de l’événement il avait vu Clodius à Rome[2]. Le peuple se montrait favorable à ce dernier, soit que le crime ne parût pas mériter un châtiment exemplaire, soit que la passion politique l’emportât sur les scrupules religieux. Crassus, de son côté, conduisit toute l’intrigue et prêta à l’accusé l’argent nécessaire pour acheter ses juges, qui l’acquittèrent. La majorité fut de trente et une voix contre vingt-cinq[3].

Ému de cette prévarication, le sénat rendit, à l’instigation de Caton, un décret d’information contre les juges prévenus de s’être laissé corrompre[4]. Or, ceux-ci se trouvant composés de chevaliers, l’ordre équestre prit fait et cause pour ses membres et se sépara ouvertement du sénat. Ainsi l’attentat de Clodius eut deux graves conséquences : la première, de donner une preuve éclatante de la vénalité de la justice ; la seconde, de rejeter encore une fois les chevaliers dans le parti populaire. Mais on fit bien plus pour les indisposer : les publicains réclamaient une réduction sur le prix des fermages de l’Asie, qui leur avaient été adjugés à un taux devenu trop élevé par suite des guerres ; l’opposition de Caton fit repousser leur demande. Ce refus, légal sans doute, était, dans ces circonstances, souverainement impolitique.

  1. Cicéron, Lettres à Atticus, I, xiv.
  2. Cicéron, Lettres à Atticus, I, xvi.
  3. Cicéron, Lettres à Atticus, I, xvii.
  4. Cicéron, Lettres à Atticus, I, xvi.