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savait que le seul drapeau capable de rallier de nombreux partisans était celui de Marius. Aussi conservait-il depuis longtemps chez lui, avec un soin religieux, l’aigle d’argent qui avait guidé les légions de cet illustre capitaine[1]. Ses discours viennent encore confirmer cette appréciation ; en s’adressant à ses complices, il se plaint de voir les destinées de la République dans les mains d’une faction qui exclut le plus grand nombre de toute participation aux honneurs et aux richesses[2]. Il écrit à Catulus, personnage des plus respectés, avec lequel il était resté en relation, la lettre suivante, qui ne manque ni de simplicité, ni d’une certaine grandeur, et dont le calme offre un contraste frappant avec la véhémence de Cicéron.

« L. Catilina à Q. Catulus, salut. Ton amitié éprouvée, qui m’a toujours été précieuse, me donne l’assurance que dans mon malheur tu écouteras ma prière. Je ne veux point justifier le parti que je viens de prendre. Ma conscience ne me reproche rien, et je veux seulement t’exposer mes motifs, que certes tu trouveras légitimes. Poussé à bout par les insultes et les injustices de mes ennemis, privé de la récompense due à mes services, enfin désespérant d’obtenir jamais la dignité à laquelle j’avais droit, j’ai pris en main, selon ma coutume, la cause commune de tous les malheureux. On me représente comme entraîné par mes dettes à cette audacieuse résolution : c’est une calomnie. Mes biens personnels suffisent pour acquitter mes engagements ; et l’on sait que, grâce à la générosité de ma femme et de sa fille, j’ai fait honneur à d’autres engagements qui m’étaient étrangers. Mais je ne puis voir de sang-froid des hommes indignes au faîte des honneurs, tandis qu’on m’en écarte par de vaines accusations. Dans

  1. « … et cette aigle d’argent, à laquelle il avait consacré dans sa maison un autel. » (Cicéron, Deuxième Catilinaire, vi.)
  2. Salluste, Catilina, xx.