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degré et l’avidité des prolétaires et les colères du sénat : c’était une loi agraire.

Elle contenait les dispositions suivantes : vendre, sauf certaines exceptions[1], les territoires récemment conquis, et quelques autres domaines peu productifs pour l’État ; en consacrer le prix à acheter à l’amiable en Italie des terres qui seraient partagées entre les citoyens indigents ; faire nommer, suivant le mode usité pour l’élection du grand pontife, c’est-à-dire par dix-sept tribus tirées au sort sur les trente-cinq, dix commissaires ou décemvirs, auxquels serait laissée pendant cinq ans la faculté absolue et sans contrôle de distribuer ou d’aliéner les domaines de la République et les propriétés privées partout où ils le voudraient. Nul ne pouvait être nommé s’il n’était présent à Rome, ce qui excluait Pompée, et l’autorité des décemvirs devait être sanctionnée par une loi curiate. À eux seuls on confiait le droit de décider ce qui appartenait à l’État et aux particuliers. Les terres du domaine public qui ne seraient point aliénées étaient frappées d’un impôt considérable[2]. Les décemvirs avaient aussi le pouvoir de faire rendre compte à tous les généraux, Pompée excepté, du butin, de l’argent reçu pendant la guerre, mais non encore versé au trésor, ou non employé à quelque monument. Il leur était permis de fonder des colonies partout où ils le jugeraient à propos, particulièrement sur le territoire de Stella et dans l’ager de Campanie, où cinq mille citoyens romains devaient être établis. En un mot, l’administration des revenus et des ressources de l’État se trouvait presque tout entière entre leurs mains ; on leur donnait de plus des licteurs ; ils pouvaient prendre

  1. Deuxième discours sur la loi agraire, xxv.
  2. Les territoires concédés par un traité étaient exceptés, ce qui affranchissait de cette obligation le territoire africain, devenu, depuis Scipion, domaine de la République, et donné par Pompée à Hiempsal. En Campanie, chaque colon devait avoir dix jugera, et, sur le territoire de Stella, douze.