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cause de son élévation. En d’autres circonstances, l’orgueil de la noblesse se serait révolté d’un pareil choix. Elle aurait cru le consulat profané, si, même avec un mérite supérieur, un homme nouveau[1] l’avait obtenu ; mais, à l’approche du péril, l’envie et l’orgueil se turent[2]. » L’aristocratie romaine devait avoir bien perdu de son influence, puisque, dans un moment critique, elle supposait à un homme nouveau plus d’autorité sur le peuple qu’à un homme sorti de son sein.

Par sa naissance, par ses instincts, Cicéron appartenait au parti populaire ; toutefois l’irrésolution de son esprit, sensible à la flatterie, la crainte des innovations, l’avaient conduit à servir tour à tour les rancunes des grands ou celles du peuple[3]. D’un cœur droit, mais pusillanime, il ne voyait juste que lorsque son amour-propre n’était pas en jeu ou son intérêt en péril. Élu consul, il se rangea du côté du sénat, et s’opposa à toutes les propositions avantageuses à la multitude. César estimait son talent, mais avait peu de confiance dans son caractère ; aussi fut-il contraire à sa candidature et hostile pendant tout son consulat.


Loi agraire de Rullus.

II. À peine Cicéron était-il entré en fonctions, que le tribun P. Servilius Rullus renouvela un de ces projets qui, depuis des siècles, avaient pour effet d’exciter au plus haut

  1. On appelait hommes nouveaux ceux qui, parmi leurs ancêtres, n’en comptaient aucun ayant exercé une magistrature élevée. (Appien, Guerres civiles, II, ii.) Cicéron confirme aussi ce fait : « Je suis le premier homme nouveau que, depuis un grand nombre d’années, on se rappelle vous avoir vus nommer consul ; et ce poste éminent, où la noblesse s’était en quelque sorte retranchée, et dont elle avait fermé toutes les avenues, vous en avez, pour me placer à votre tête, forcé les barrières ; vous avez voulu que le mérite les trouvât désormais ouvertes. » (Cicéron, Deuxième discours sur la loi agraire, i.)
  2. Salluste, Catilina, xxiii.
  3. « Cicéron favorisait tantôt les uns, tantôt les autres, pour être recherché par les deux partis. » (Dion-Cassius, XXXVI, xxvi.)