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cette résistance à tout changement et cette disposition à considérer toute réforme comme une utopie et presque comme un sacrilège ? Quoi de plus logique pour eux que d’admirer la fermeté d’âme de Caton, qui, jeune encore, se laisse menacer de mort plutôt que d’admettre la possibilité de devenir un jour le défenseur de la cause des alliés réclamant les droits de citoyens romains[1] ? Comment ne pas comprendre les sentiments de Catullus et d’Hortensius défendant avec obstination les privilèges de l’aristocratie et manifestant leurs craintes devant cet entraînement général à concentrer les pouvoirs dans les mains d’un seul ?

Et cependant la cause soutenue par de tels hommes était condamnée à périr comme toute chose qui a fait son temps. Malgré leurs vertus, ils n’étaient qu’un obstacle de plus à la marche régulière de la civilisation, parce qu’il leur manquait les qualités les plus essentielles dans les temps de révolution, la juste appréciation des besoins du moment et des problèmes de l’avenir. Au lieu de chercher ce qu’on pouvait sauver du naufrage de l’ancien régime venant se briser contre un écueil redoutable, la corruption des mœurs politiques, ils se refusaient à admettre que les institutions auxquelles la République avait dû sa grandeur amenassent alors sa décadence. Effrayés de toute innovation, ils confondaient dans le même anathème les entreprises séditieuses de quelques tribuns et les justes réclamations des peuples. Mais leur influence était si considérable, et des idées consacrées par le temps ont un tel empire sur les esprits, qu’ils eussent encore empêché le triomphe de la cause populaire, si César, en se mettant à sa tête, ne lui eût donné un nouvel éclat et une force irrésistible. Un parti, comme une armée, ne peut vaincre qu’avec un chef digne de le commander, et tous ceux qui, depuis les Gracques, avaient arboré l’étendard

  1. Plutarque, Caton, iii.