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des combattants s’éleva, selon Plutarque, jusqu’à trois cent vingt couples, expression méprisante, qui prouve le peu de cas qu’on faisait de la vie de ces hommes. Cicéron, écrivant à Atticus, en parle comme nous parlerions aujourd’hui de chevaux de course[1] ; et le grave Atticus avait lui-même des gladiateurs, ainsi que la plupart des grands personnages de son temps. Ces jeux sanglants, qui nous paraissent si inhumains, conservaient encore le caractère religieux qu’ils avaient eu exclusivement dans le principe ; on les célébrait en l’honneur des morts[2] ; César les donnait comme un sacrifice à la mémoire de son père, et y déployait un luxe inaccoutumé[3]. Le nombre des gladiateurs qu’il réunit effraya le sénat, et, à l’avenir, il fut défendu de dépasser un certain chiffre. Bibulus, son collègue, était, il est vrai, de moitié dans les dépenses ; le public cependant rapportait à César tout le mérite de ce déploiement fastueux des devoirs de leur charge. Aussi Bibulus disait-il qu’il en était de lui comme du temple de Castor et Pollux, lequel, dédié aux deux frères, n’était jamais appelé que temple de Castor[4].

Les grands ne voyaient dans la somptuosité de ces jeux qu’une vaine ostentation, un désir frivole de briller ; ils se félicitaient de la prodigalité de l’édile, et présageaient dans

  1. « Les gladiateurs que vous avez achetés sont une très-belle acquisition. On dit qu’ils sont très-bien exercés, et si vous les aviez voulu louer dans les deux dernières occasions, vous auriez retiré ce qu’ils vous ont coûté. » (Cicéron, Lettres à Atticus, IV, iv.)
  2. Servius, Commentaire sur le livre III, vers 67, de l’Énéide. — Tertullien, Sur les spectacles, v. — Tite-Live, XXIII, xxx ; XXIX, xlvi. — Valère Maxime, II, iv, § 7.
  3. « Quand César, depuis dictateur, mais alors édile, donna des jeux funèbres en l’honneur de son père, tout ce qui devait servir dans l’arène était d’argent ; des lances d’argent brillaient dans les mains des criminels, et perçaient les bêtes farouches, exemples qu’imitent maintenant de simples villes municipales. » (Pline, Histoire naturelle, XXXIII, iii.)
  4. Suétone, César, x.