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l’élite de l’armée, et étaient connus sous le nom de Valériens[1]. D’un autre côté, Tigrane, instruit de l’arrivée de Pompée, abandonna le parti de son beau-père, déclarant que ce général était le seul auquel il se serait rendu[2], tant le prestige d’un homme, dit Dion-Cassius, l’emporte sur celui d’un autre[3].

Manilius demanda aussi le rappel de la loi de Caius Gracchus, en vertu de laquelle la centurie prérogative, au lieu d’être tirée au sort dans les premières classes des tribus, était prise indistinctement dans toutes les classes, ce qui faisait disparaître, dans les élections, les distinctions de rang et de fortune et privait les plus riches de leurs privilèges électoraux[4].

C’étaient ordinairement, on le voit, les tribuns du peuple qui, obéissant à l’inspiration de grands personnages, prenaient l’initiative des mesures les plus populaires. Mais la plupart, sans désintéressement ni modération, compromettaient souvent, par leur intempestive ardeur ou leurs opinions subversives, ceux qui avaient recours à leurs services.

  1. On appelait Valériens les soldats de Valerius Flaccus qui, passés sous le commandement de Fimbria, avaient abandonné en Asie leur général pour se joindre à Sylla. « Ces mêmes soldats, sous les ordres de Pompée (car il enrôla de nouveau les Valérien), ne songèrent même pas à se révolter, tant un homme l’emporte sur un autre. » (Dion-Cassius, XXXV, xvi.)
  2. « Il n’y avait point de honte, disait-il, à se soumettre à celui que la fortune élevait au-dessus de tous les autres. » (Velleius Paterculus, II, xxxvii.)
  3. Dion-Cassius, XXXV, xvi.
  4. Cela ressort d’un passage de Cicéron, comparé à un autre de Salluste. En effet, Cicéron, dans son Discours pour Murena (xxiii), s’exprime ainsi : « Confusionem suffragiorum flagitasti, prorogationem legis Maniliæ, æquationem gratiæ, dignitatis, suffragiorum. » Il est clair que Cicéron ne pouvait pas faire allusion à la loi Manilia sur les affranchis, mais à celle de Caius Gracchus, puisque Salluste emploie, à propos de cette loi, à peu près les mêmes termes, en disant : « Sed de magistratibus creandis haud mihi quidem absurde placet lex, quam C. Gracchus in tribunatu promulgaverat : ut ex confusis quinque classibus sorte centuriæ vocarentur. Ita coæquati dignitate pecunia, virtute anteire alius alium properabit. » (Salluste, Lettres à César, vii.)