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alors consul désigné ; ses promesses excitèrent le plus vif enthousiasme, car c’était surtout la mauvaise administration des provinces et la vénalité des sénateurs dans leurs fonctions judiciaires qui faisaient redemander si vivement par le peuple le rétablissement des privilèges du tribunat, malgré les abus qu’ils avaient amenés[1]. Des excès du pouvoir naît toujours un désir immodéré de liberté.

En faisant connaître, avant son entrée dans Rome et de son propre mouvement, le programme de sa conduite, Pompée ne céda pas, comme l’ont prétendu plusieurs historiens, à une séduction habilement exercée par César : il obéissait à une impulsion plus forte, celle de l’opinion publique. Les grands lui reprochèrent d’abandonner leur cause[2], mais le parti populaire fut satisfait, et César, voyant le nouveau consul prendre à cœur ses idées et ses sentiments, résolut de le soutenir avec énergie[3]. Il jugea sans doute qu’avec tant d’éléments de corruption, tant de mépris des lois, tant de rivalités jalouses et d’ambitions démesurées, l’ascendant de celui que la fortune élevait si haut pouvait seul, pour le moment, assurer les destinées de la République. Était-ce un concours loyal ? Nous le croyons, mais il n’excluait pas une noble rivalité, et César n’avait pas à craindre d’aplanir à Pompée le terrain sur lequel ils devaient se rencontrer un jour. L’homme qui a la conscience de sa valeur n’éprouve pas un sentiment perfide de jalousie contre ceux qui l’ont

  1. Catulus, à qui on demandait son avis sur le rétablissement de la puissance tribunitienne, commença par ces paroles pleines d’autorité : « Les pères conscrits administrent mal et scandaleusement la justice ; et s’ils eussent, dans les tribunaux, voulu répondre à l’attente du peuple romain, la puissance des tribuns n’aurait pas été si vivement regrettée. » (Cicéron, Première action contre Verrès, 15.)
  2. « Ses ennemis n’eurent plus à lui reprocher que la préférence qu’il donnait au peuple sur le sénat. » (Plutarque, Pompée, xx.)
  3. « Il seconda de tout son pouvoir ceux qui voulurent rétablir la puissance tribunitienne. » (Suétone, César, v.)