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nos jours l’injustice et la tyrannie de nos concitoyens n’aient pénétré[1]. » Les habitants des pays étrangers, soit pour satisfaire aux exigences immodérées des gouverneurs et de leur suite, soit pour payer les fermiers des revenus publics, étaient obligés d’emprunter. Or, les capitaux se trouvant seulement à Rome, ils ne pouvaient se les procurer qu’à un taux excessif ; et les grands, se livrant à l’usure, tenaient les provinces dans leur dépendance.

L’armée elle-même avait été démoralisée par les guerres civiles, et les chefs ne faisaient plus observer la discipline. « Flamininus, Aquilius, Paul-Émile, dit Dion-Cassius, commandaient à des hommes bien disciplinés et qui avaient appris à exécuter en silence les ordres de leurs généraux. La loi était leur règle : avec une âme royale, simples dans leur vie, renfermant leurs dépenses dans des limites raisonnables, ils regardaient comme plus honteux de flatter les soldats que de craindre les ennemis. Du temps de Sylla, au contraire, les généraux, redevables du premier rang à la violence et non au mérite, forcés de tourner leurs armes les uns contre les autres plutôt que contre les ennemis, étaient réduits à courir après la popularité. Chargés du commandement, ils prodiguaient l’or pour procurer des jouissances à une armée dont ils payaient cher les fatigues : ils rendaient leur patrie vénale, sans y prendre garde, et se faisaient eux-mêmes les esclaves des hommes les plus pervers, pour soumettre à leur autorité ceux qui valaient mieux qu’eux. Voilà ce qui chassa Marius de Rome et

  1. Cicéron, Deuxième action contre Verrès, III, 89. Cicéron ajoute dans une lettre : « On peut juger, par les souffrances de nos propres concitoyens, de ce que les habitants des provinces ont à endurer de la part des fermiers publics. Lorsqu’on supprima plusieurs péages en Italie, les réclamations s’adressaient moins au principe de l’impôt qu’aux abus de la perception, et les cris des Romains sur le sol de la patrie ne disent que trop ce que doit être le sort des alliés aux extrémités de l’empire. » (Lettres à Quintus, I, i-ii.)