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noncé ait pesé sur aucun de ses membres ; comment, depuis que les sénateurs seuls composent nos tribunaux, depuis qu’on a dépouillé le peuple du droit qu’il avait sur chacun de nous, Q. Calidius a pu dire, après sa condamnation, qu’on ne pouvait honnêtement, pour condamner un préteur, exiger moins de 300 000 sesterces ; comment, le sénateur P. Septimius reconnu coupable de concussion devant le préteur Hortensius, on comprit dans l’amende l’argent qu’il avait reçu en qualité de juge ; comment C. Herennius et C. Popilius, tous deux sénateurs, ayant été convaincus du crime de péculat, et M. Atilius du crime de lèse-majesté, il fut prouvé qu’ils avaient reçu de l’argent pour prix d’une de leurs sentences ; comment il s’est trouvé des sénateurs qui, dès que leur nom fut sorti de l’urne que tenait C. Verrès, alors préteur urbain, allèrent sur-le-champ donner leur voix contre l’accusé, sans avoir entendu la cause ; comment enfin on a vu un sénateur, juge dans cette même cause, recevoir l’argent de l’accusé pour le distribuer aux autres juges, et l’argent de l’accusateur pour condamner l’accusé. Pourrai-je alors assez déplorer cette tache, cette honte, cette calamité qui pèse sur l’ordre entier[1] ? »

Malgré la sévérité des lois contre l’avidité des généraux et des publicains, malgré le patronage des grands de Rome, les peuples soumis[2] étaient toujours en butte aux exactions des magistrats, et Verrès fut le type de l’immoralité la plus éhontée, ce qui arrache à Cicéron cette exclamation : « Toutes les provinces gémissent ; tous les peuples libres se plaignent ; tous les royaumes réclament contre notre cupidité et nos violences. Il n’est pas, entre l’Océan et nous, un lieu si éloigné, ou si peu connu, dans lequel de

  1. Cicéron, Première action contre Verrès, 13.
  2. « Toutes les cités des peuples soumis ont un patron à Rome. » (Appien, Guerres civiles, II, iv.)