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CHAPITRE DEUXIÈME.

(684-691.)

État de la République (684).

I. Lorsque Pompée et Crassus arrivèrent au consulat, il y avait soixante-trois ans que l’Italie était en proie à des luttes intestines. Mais, malgré le repos que réclamait la société et que la réconciliation de ces deux rivaux semblait lui promettre, bien des passions et des intérêts contraires fermentaient encore dans son sein[1].

Sylla avait cru rétablir la République sur ses anciennes bases, cependant il avait tout remis en question. La propriété, la vie même de chaque citoyen étaient à la merci du plus fort ; le peuple avait perdu le droit d’appel et sa part légitime dans les élections ; le pauvre, les distributions de blé ; le tribunat, ses privilèges séculaires ; l’ordre si influent des chevaliers, son importance politique et financière.

À Rome, plus de garantie pour la justice ; en Italie, plus de sécurité pour le droit de cité, si chèrement conquis ; dans les provinces, plus de ménagements pour les sujets et les alliés. Sylla avait rendu à la haute classe ses prérogatives, sans pouvoir lui rendre son ancien prestige ; n’ayant mis en œuvre que des éléments corrompus et fait appel qu’à des passions sordides, il laissait après lui une oligarchie impuissante et un peuple profondément divisé. Le pays se partageait entre ceux que la tyrannie avait enrichis et ceux qu’elle avait dépouillés : les uns craignant de perdre ce qu’ils

  1. « La République, pour ainsi dire blessée et malade, avait besoin de repos, n’importe à quel prix. » (Salluste, Fragments, I, 68.)