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scène ; ils évitent ainsi de se compromettre dans des luttes journalières sans portée, et leur réputation, au lieu de s’affaiblir, grandit par l’absence. Pendant l’hiver de 678, César quitta donc de nouveau l’Italie, dans l’intention d’aller à Rhodes perfectionner ses études. Cette île, alors le centre des lumières, le séjour des philosophes les plus célèbres, était l’école des jeunes gens de bonne famille ; Cicéron lui-même était allé y chercher des leçons quelques années auparavant.

Pendant la traversée, César fut pris par des pirates près de Pharmacuse, petite île de l’archipel des Sporades, à l’entrée du golfe d’Iassus[1]. Ces pirates, malgré la campagne de P. Servilius Isauricus, infestaient toujours la mer avec des flottes nombreuses ; ils lui demandèrent vingt talents (116 420 francs) pour sa rançon. Il en offrit cinquante (291 000 francs), ce qui devait naturellement leur donner une haute idée de leur prisonnier et lui assurer un meilleur traitement ; il envoya ses affidés, et entre autres Épicrate, l’un de ses esclaves milésiens, chercher cette somme dans les villes voisines[2]. Quoique les provinces et les villes alliées fussent, en ce cas, obligées de fournir la rançon, il n’en est pas moins curieux de voir, comme preuve de la richesse de ces pays, un jeune homme de vingt-quatre ans, arrêté dans une petite île de l’Asie Mineure, trouver immédiatement à emprunter une somme considérable.

Resté seul avec un médecin et deux esclaves[3] au milieu de ces brigands farouches, il leur imposa par son ascendant et passa près de quarante jours à leur bord sans défaire

  1. Cette île, appelée aujourd’hui Fermaco, est à l’entrée du golfe d’Assem-Kalessi. Pline et Étienne de Byzance sont les seuls géographes qui la mentionnent, et le dernier nous apprend en outre que c’est là qu’Attale, le célèbre lieutenant de Philippe de Macédoine, fut tué par ordre d’Alexandre.
  2. Polyen, Stratagèmes, VII, xxiii.
  3. Suétone, César, iv.