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à cause de lui[1], pour épouser Émilie, belle-fille du dictateur, César maintenait son indépendance au prix de sa sûreté personnelle.

Devenu suspect, il fut privé de son sacerdoce[2], de la dot de sa femme, et déclaré incapable d’hériter de sa famille. Obligé de se cacher aux environs de Rome pour se soustraire aux persécutions, il changeait de retraite chaque nuit, quoique malade de la fièvre ; mais, arrêté par une bande d’assassins aux gages de Sylla, il gagna le chef, Cornelius Phagita, en lui donnant deux talents (environ 12 000 fr.)[3], et sa vie fut préservée. Notons ici que, parvenu à la souveraine puissance, César rencontra ce même Phagita, et le traita avec indulgence, sans se souvenir du passé[4]. Cependant il errait toujours dans la Sabine. Son courage, sa constance, sa naissance illustre, son ancienne qualité de flamine, excitèrent un intérêt général. Bientôt des personnages importants, tels qu’Aurelius Cotta, frère de sa mère, et Mamercus Lepidus, allié de sa famille, intercédèrent en sa faveur[5]. Les vestales aussi, dont la seule intervention empêchait toute violence, n’épargnèrent pas leurs prières[6].

  1. « Quelle indignité d’introduire dans sa maison une femme enceinte, du vivant même de son mari, et d’en chasser ignominieusement, cruellement, Antistia, dont le père venait de périr pour le mari qui la répudiait ! » (Plutarque, Pompée, viii.)
  2. Suétone, César, i.
  3. Plutarque, César, i. — Suétone, César, lxxiv. — Sur la valeur du talent, voyez page 97, note 1.
  4. Suétone, César, lxxiv.
  5. Suétone, César, i.
  6. Les vestales jouissaient de grands privilèges ; venaient-elles à rencontrer fortuitement un criminel qu’on menait au supplice, celui-ci était mis en liberté. (Plutarque, Numa, xiv.) Valère Maxime (V, iv, 6) rapporte le fait suivant : « La vestale Claudia, voyant qu’un tribun du peuple s’apprêtait à arracher par violence son père, Appius Claudius Pulcher, de son char de triomphe, s’interposa entre le tribun et ce dernier, en vertu du droit qu’elle avait de s’opposer aux violences. » — Cicéron (Discours pour Cælius, XIV) fait également allusion à cette anecdote célèbre.