Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sage et éclairée, ses heureuses dispositions, et le prépara à se rendre digne du rôle que lui réservait la destinée[1]. Cette première éducation, donnée par une mère tendre et vertueuse, a toujours autant d’influence sur notre avenir que les qualités naturelles les plus précieuses. César en recueillit les fruits. Il reçut aussi des leçons du Gaulois M. Antonius Gniphon, philosophe et maître d’éloquence, d’un esprit distingué, d’une vaste érudition, très-versé dans les lettres grecques et latines, qu’il avait cultivées à Alexandrie[2].

La Grèce était toujours la patrie des sciences et des arts, et la langue de Démosthène familière à tout Romain lettré[3]. Aussi le grec et le latin pouvaient-ils être appelés les deux langues de l’Italie, comme ils le furent plus tard par l’empereur Claude[4]. César les parlait toutes les deux avec la même facilité, et, en tombant sous le poignard de Brutus, il prononça en grec les derniers mots sortis de sa bouche[5].

Quoique avide de plaisirs, il ne négligea rien, dit Suétone, pour acquérir les talents qui conduisaient aux honneurs publics. Or, selon les habitudes romaines, on ne parvenait aux premières magistratures que par la réunion des mérites les plus divers. La jeunesse patricienne, digne encore de ses ancêtres, ne restait pas oisive ; elle recherchait les charges religieuses pour dominer les consciences, les emplois administratifs pour agir sur les intérêts, les discussions et les discours publics pour capter les esprits par l’éloquence,

  1. « Ainsi Cornélie, mère des Gracques ; ainsi Aurélie, mère de César ; ainsi Atia, mère d’Auguste, présidèrent, nous dit-on, à l’éducation de leurs enfants, dont elles firent de grands hommes. » (Tacite, Dialogue des orateurs, xxviii.)
  2. « Ingenii magni, memoriæ singularis, nec minus græce quam latine doctus. » (Suétone, Sur les grammairiens illustres, vii.)
  3. « A sermone græco puerum incipere malo. » (Quintilien, Institution oratoire, I, i.)
  4. Claude, s’adressant à un étranger qui parlait grec et latin, lui dit : « Puisque tu possèdes nos deux langues. » (Suétone, Claude, xlii.)
  5. Καὶ σύ, τέκνον ! (Suétone, César, lxxxii.)