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est désormais sans défense contre l’audace d’un soldat heureux[1].


Effet de la dictature de Sylla.

VIII. L’histoire des cinquante dernières années et surtout la dictature de Sylla montrent jusqu’à l’évidence que l’Italie demandait un maître. Partout les institutions fléchissaient devant le pouvoir d’un seul, soutenu non seulement par ses propres partisans, mais encore par la foule indécise qui, fatiguée de l’action et de la réaction de tant de partis opposés, aspirait à l’ordre et au repos. Si la conduite de Sylla eût été modérée, ce qu’on nomma l’Empire eût probablement commencé avec lui ; mais son pouvoir fut si cruel et si partial, qu’après sa mort on oublia les abus de la liberté pour ne se souvenir que des abus de la tyrannie. Plus l’esprit démocratique avait pris d’extension, et plus les anciennes institutions perdaient de leur prestige. En effet, comme la démocratie, confiante et passionnée, croit toujours ses intérêts mieux représentés par un seul que par un corps politique, elle était sans cesse disposée à remettre son avenir à celui qui s’élevait, par son mérite, au-dessus des autres. Les Gracques, Marius et Sylla avaient tour à tour disposé à leur gré des destinées de la République, foulé impunément aux pieds les anciennes institutions et les anciennes coutumes ; mais leur règne fut éphémère[2], car ils ne représentaient que des factions. Au lieu d’embrasser dans leur ensemble les vœux et les intérêts de toute la péninsule italique, ils favorisaient exclusivement telle ou telle classe de la société. Les uns voulaient avant tout assurer le bien-être des prolétaires de Rome ou l’émancipation des

  1. Sylla avait pris le surnom d’Heureux (Felix) (Mommsen, Inscriptiones latinæ antiquissimæ, p. 168), ou de Faustus, suivant Velleius Paterculus.
  2. « On ne peut nier que Sylla n’ait eu alors la puissance d’un roi, quoiqu’il ait rétabli la République. » (Cicéron, Discours sur la réponse des aruspices, xxv.)