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marcha de Nola sur Rome avec son collègue, Pompeius Rufus, qui venait de s’unir à lui. La plupart des officiers supérieurs n’osèrent le suivre, tant était grand encore le prestige de la Ville éternelle[1]. En vain on lui envoie des députations ; il marche en avant et pénètre dans les rues de Rome. Assailli par les habitants, attaqué par Marius et Sulpicius, il ne triomphe qu’à force d’audace et d’énergie. C’était la première fois qu’un général, entrant à Rome en vainqueur, s’emparait du pouvoir par les armes.

Sylla rétablit l’ordre, empêcha le pillage, convoqua l’assemblée du peuple, justifia sa conduite, et, voulant assurer à son parti la prépondérance dans les délibérations publiques, fit remettre en vigueur la coutume d’exiger l’assentiment préalable du sénat pour toute présentation de loi. Les comices par centuries furent substitués aux comices par tribus, auxquels on ne laissa que l’élection des magistratures inférieures[2]. Sylla fit tuer Sulpicius, dont il abrogea les décrets, et mit à prix la tête de Marius, oubliant que lui-même, peu de temps auparavant, trouvait un refuge dans la maison de son rival ; il proscrivit les chefs de la faction démocratique, mais la plupart s’étaient enfuis avant son entrée à Rome. Marius et son fils avaient gagné l’Afrique à travers mille dangers. Cette révolution ne paraît pas avoir été sanglante, et, à l’exception de Sulpicius, les historiens du temps ne citent pas de personnage considérable mis à mort. La terreur inspirée d’abord par Sylla ne dura pas longtemps. La réprobation de ses actes se manifesta dans le sénat et dans le peuple, qui cherchaient toutes les occasions de montrer leur mécontentement. Sylla devait aller reprendre le commandement de l’armée d’Asie, et celui de l’armée

  1. Appien, Guerres civiles, I, vii, 57.
  2. Appien, Guerres civiles, I, vii, 59. « Populus Romanus, Lucio Sylla dictatore ferente, comitiis centuriatis, municipiis civitatem ademit. » (Cicéron, Pour sa maison, xxx.)