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Sylla (666).

VII. Sylla, nommé consul en récompense de ses services, fut chargé d’aller châtier Mithridate. Tandis qu’il s’y préparait, le tribun du peuple P. Sulpicius s’était fait un parti puissant. Homme remarquable quoique sans scrupules, il avait les qualités et les défauts de la plupart de ceux qui jouèrent un rôle dans ces époques de dissension[1]. Escorté de six cents chevaliers romains, qu’il appelait l’anti-sénat[2], il vendait publiquement le droit de citoyen aux affranchis et aux étrangers, et en recevait le prix sur des tables dressées au milieu de la place publique[3]. Il fit rendre un plébiscite pour mettre fin au subterfuge de la loi Julia, qui, par une répartition illusoire, frustrait les Italiotes des droits mêmes qu’elle semblait leur accorder, et, au lieu de les maintenir dans les huit tribus nouvelles, il les fit inscrire dans les trente-cinq tribus anciennes. La mesure ne fut pas adoptée sans de vifs débats ; mais Sulpicius était soutenu par tous les nouveaux citoyens, et la faction démocratique et Marius. Une émeute emporta le vote, et Sylla, menacé de mort, fut obligé de se réfugier dans la maison de Marius et de quitter Rome précipitamment. Maître de la ville, Sulpicius montra à quelles influences il obéissait en faisant donner au vieux Marius la province d’Asie et le commandement de l’expédition contre Mithridate. Mais Sylla avait son armée en Campanie et était déterminé à soutenir ses prétentions. Tandis que la faction de Marius se livrait, dans la ville, à des violences contre la faction opposée, les soldats de Sylla s’irritaient de se voir enlever par les légions de son rival le riche butin que leur promettait l’Asie ; ils jurèrent de venger leur chef. Sylla se mit à leur tête et

  1. « P. Sulpicius avait recherché par sa droiture l’estime populaire ; son éloquence, son activité, son esprit, sa fortune, en faisaient un homme remarquable. » (Velleius Paterculus, II, xviii.)
  2. Plutarque, Marius, xxxvi.
  3. Plutarque, Sylla, xi.