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rentes races et à abaisser les barrières qui séparaient les diverses classes. Pour obtenir le premier résultat, ils divisèrent le bas peuple en corporations[1], augmentèrent le nombre des tribus et en changèrent la constitution[2] ; pour obtenir le second, ils firent entrer, au grand mécontentement de la haute classe, des plébéiens parmi les patriciens[3], et ils élevèrent des affranchis au rang de citoyens[4]. De cette manière, chaque curie se trouva considérablement accrue ; mais, les votes se recueillant par tête, les patriciens pauvres l’emportaient numériquement sur les patriciens riches.

Servius Tullius, tout en conservant les curies, leur enleva leur organisation militaire, c’est-à-dire qu’il n’en fit plus la base du recrutement. Il institua les centuries, dans le double but de donner en principe le droit de suffrage à tous les citoyens, et de créer une armée plus nationale, puisqu’il y faisait entrer les plébéiens ; il voulut enfin faire peser sur les plus riches le fardeau de la guerre[5], ce qui était juste, chacun s’équipant et s’entretenant à ses frais. La classification des citoyens n’eut plus lieu par castes, mais d’après la fortune. Patriciens et plébéiens furent mis sur le même rang si leur revenu était égal. L’influence des plus riches prédomina, sans doute, mais en proportion des sacrifices qu’on exigeait d’eux.

Servius Tullius ordonna un recensement général de la population, dans lequel tout le monde devait déclarer son âge, sa fortune, le nom de sa tribu, celui de son père, le

  1. Plutarque, Numa, xvii. — Pline, Histoire naturelle, XXXIV, i.
  2. « Servius Tullius ne se réglait plus comme autrefois d’après l’ordre ancien des trois tribus distinguées par origine, mais d’après celui des quatre tribus nouvelles qu’il avait établies par quartiers. » (Denys d’Halicarnasse, IV, xiv.)
  3. Denys d’Halicarnasse, III, xli. — Tite-Live, I, xxxv.
  4. Denys d’Halicarnasse, IV, xxii.
  5. Denys d’Halicarnasse, IV, xix. — « Servius Tullius rejeta, par ce moyen, sur les plus riches tout le poids des frais et des dangers de la guerre. » (Denys d’Halicarnasse, IV, xx.)