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fait moi-même… Ils me reprochent l’obscurité de ma naissance et ma fortune ; moi je leur reproche leur lâcheté et leur infamie personnelle. La nature, notre mère commune, a fait tous les hommes égaux, et le plus brave est le plus noble… S’ils se croient en droit de me mépriser, qu’ils méprisent donc leurs aïeux, ennoblis comme moi par leurs vertus… Et ne vaut-il pas mieux être soi-même l’auteur de son illustration que de dégrader celle qui vous est transmise ? Je ne puis pas, pour justifier votre confiance, étaler les images, les triomphes ou les consulats de mes ancêtres ; mais je produirai, s’il le faut, des javelines, un étendard, des phalères, vingt autres dons militaires, et les cicatrices qui sillonnent ma poitrine. Voilà mes images, voilà mes titres de noblesse ! je ne les ai pas recueillis par héritage ; je les ai obtenus moi seul, à force de travaux et de périls[1]. »

Après ce discours, où se révèle la légitime ardeur de ceux qui, dans tous les pays aristocratiques, réclament l’égalité, Marius, contrairement à l’ancien système, enrôla plus de prolétaires que de citoyens. Les vétérans aussi accoururent en foule sous ses étendards. Il conduisit avec habileté la guerre d’Afrique ; mais une partie de la gloire lui fut dérobée par son questeur, P. Cornelius Sylla. Cet homme, appelé bientôt à jouer un si grand rôle, issu d’une famille patricienne illustre, ambitieux, ardent, plein d’audace et de confiance en lui-même, ne reculait devant aucun obstacle. Les succès qui coûtaient tant d’efforts à Marius semblaient venir d’eux-mêmes au-devant de Sylla. Marius défit le prince numide, mais, par une hardiesse aventureuse, Sylla se le fit livrer et termina la guerre. Dès lors, entre le proconsul et son jeune questeur, commença une rivalité qui, avec le

  1. Salluste, Jugurtha, lxxxv.