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la rudesse et l’ambition de la classe qui se sent opprimée. Grand capitaine, mais homme de parti, naturellement porté au bien et à la justice, il devint, vers la fin de sa vie, par amour du pouvoir, cruel et inexorable[1].

Après s’être distingué au siège de Numance, il fut nommé tribun du peuple, et montra dans cette charge une grande impartialité[2]. C’était le premier échelon de sa fortune. Devenu lieutenant de Metellus dans la guerre contre Jugurtha, il chercha à supplanter son général, et plus tard parvint à s’allier à une famille illustre en épousant Julie, sœur du père du grand César. Guidé par son instinct ou par son intelligence, il avait compris qu’au-dessous du peuple officiel existait un peuple de prolétaires et d’alliés qui demandait à compter dans l’État.

Arrivé au consulat par sa haute réputation militaire, mais aussi par des intrigues, il fut chargé de la guerre de Numidie, et, avant son départ, exposa avec énergie, dans un discours au peuple, les rancunes et les principes de la démocratie d’alors.

« Vous m’avez chargé, dit-il, de la guerre contre Jugurtha ; la noblesse est irritée de ce choix ; mais que ne changez-vous votre décret, en allant chercher parmi cette foule de nobles, pour cette expédition, un homme de vieille lignée qui compte beaucoup d’aïeux, mais pas une seule campagne ?… Il est vrai qu’il lui faudrait prendre parmi le peuple un conseiller qui lui enseignât son métier. À ces patriciens superbes comparez Marius, homme nouveau. Ce qu’ils ont ouï raconter, ce qu’ils ont lu, je l’ai vu ou

  1. Marius n’avait fait que roidir son caractère. (Plutarque, Sylla, xxxix.) « Talent, probité, simplicité, connaissance profonde de l’art de la guerre, Marius alliait au même degré le mépris des richesses et des voluptés, et l’amour de la gloire. » (Salluste, Jugurtha, lxiii.) Marius était né sur le territoire d’Arpinum, à Cereatæ, aujourd’hui Casamare (maison de Marius).
  2. « Obtint l’estime des deux partis. » (Plutarque, Marius, iv.)