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peuple, et, afin de l’emporter plus sûrement, il eut recours à des troupes étrangères. Le consul Opimius, à la tête d’un corps d’archers crétois, mit facilement en déroute un rassemblement tumultueux. Caius prit la fuite, et, se voyant poursuivi, se donna la mort. Fulvius subit le même sort. La tête du tribun fut portée en triomphe. Trois mille hommes furent jetés en prison et étranglés. Les lois agraires et l’émancipation de l’Italie cessèrent, pendant quelque temps, d’importuner le sénat.

Tel fut le sort des Gracques, de deux hommes qui avaient à cœur de réformer les lois de leur pays, et qui succombèrent, victimes d’intérêts égoïstes et de préjugés encore trop puissants. Ils périrent, dit Appien[1], parce qu’ils employèrent la violence à l’exécution d’une excellente mesure[2]. En effet, dans un État où les formes légales avaient été respectées depuis quatre cents ans, il fallait ou les observer fidèlement ou avoir une armée à ses ordres.

Cependant l’œuvre des Gracques n’était pas morte avec eux. Plusieurs de leurs lois subsistèrent encore longtemps. La loi agraire fut exécutée en partie, puisque plus tard les grands rachetèrent les portions de terrain qui leur avaient été enlevées[3], et les effets n’en furent détruits qu’au bout de quinze années. Impliqué dans les actes de corruption imputés à Jugurtha, dont il sera bientôt question, le consul Opimius eut le même sort que Scipion Nasica et une fin aussi malheureuse. Il est curieux de voir deux hommes, chacun vainqueur d’une sédition, terminer leur vie sur la terre étrangère, en butte à la haine et au mépris de leurs

  1. Appien, Guerres civiles, I, ii, 17.
  2. « Je ne suis pas de ces consuls qui pensent qu’on ne peut sans crime louer dans les Gracques des magistrats dont les conseils, la sagesse, les lois, ont porté une réforme salutaire dans beaucoup de parties de l’administration. » (Cicéron, Second discours sur la loi agraire, v.)
  3. Appien, Guerres civiles, I, iii, 27.