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Relégués dans les tribus urbaines, ils avaient, avec les prolétaires, augmenté cette population de Rome pour laquelle le vainqueur de Carthage et de Numance montrait souvent un véritable dédain : « Silence ! s’écriait-il un jour, vous que l’Italie ne reconnaît pas pour ses enfants ; » et, comme les murmures s’élevaient encore, « Ceux que j’ai fait conduire ici enchaînés ne m’effrayeront point parce qu’aujourd’hui on a brisé leurs fers[1]. » Lorsque le peuple de la ville se réunissait au Forum sans le concours des tribus rurales, plus indépendantes, il était accessible à toutes les séductions, et aux plus puissantes d’entre elles, l’argent des candidats et les distributions de blé à prix réduit. Il subissait aussi l’influence de la foule privée de droits politiques, lorsque celle-ci, encombrant la place publique, comme dans les hustings anglais, cherchait, par ses cris et ses gestes, à agir sur l’esprit des citoyens.

D’un autre côté, fières des exploits de leurs ancêtres, les premières familles, en possession du sol et du pouvoir, voulaient conserver ce double avantage sans être tenues de s’en rendre dignes ; elles semblaient dédaigner cette éducation sévère qui les avait rendues capables de remplir tous les emplois[2], de sorte qu’on pourrait dire qu’il existait alors à Rome une aristocratie sans noblesse et une démocratie sans peuple.


    Live, Epitome, XX) ; une exception est faite pour ceux qui ont un fils âgé de plus de cinq ans, ou qui possèdent des terrains d’une valeur de plus de 30 000 sesterces (XLV, xv) ; en 585, le censeur Tiberius Sempronius Gracchus les expulse des tribus rustiques, où ils s’étaient introduits de nouveau, et les réunit dans une seule tribu urbaine, l’Esquiline. (Tite-Live, XLV, xv. — Cicéron, De l’Orateur, I, ix, 38.) — (639.) « La loi émilienne permet aux affranchis de voter dans les quatre tribus urbaines. » (Aurelius Victor, Hommes illustres, lxxii.)

  1. Valère Maxime, VI, ii, 3. — Velleius Paterculus, II, iv.
  2. « Je connais des Romains qui ont attendu leur élévation au consulat pour commencer à lire l’histoire de nos pères et les préceptes des Grecs sur l’art militaire. » (Discours de Marius, Salluste, Jugurtha, lxxxv.)