Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

public, composé des deux tiers environ de la totalité du territoire conquis, avaient fini par le concentrer dans leurs mains presque tout entier, soit en traitant avec les petits propriétaires, soit en les expulsant par la force ; et cet envahissement avait eu lieu même hors des frontières de l’Italie[1]. Plus tard, quand la République, maîtresse du bassin de la Méditerranée, reçut, soit à titre de contribution, soit par échange, une immense quantité de céréales des pays les plus fertiles, la culture du blé fut négligée en Italie, et les champs se convertirent en pâturages et en parcs somptueux. D’ailleurs, les prairies, qui exigent moins de bras, devaient être préférées par les grands propriétaires. Non seulement les vastes domaines, latifundia, appartenaient à un petit nombre, mais les chevaliers avaient accaparé tous les éléments de richesse du pays. Beaucoup s’étaient retirés des range de la cavalerie pour devenir des fermiers généraux (publicains), des banquiers et presque les seuls commerçants. Constitués, sur toute la surface de l’Empire, en compagnies financières, ils exploitaient les provinces, et formèrent une véritable aristocratie d’argent, dont l’importance augmentait sans cesse, et qui, dans les luttes politiques, faisait pencher la balance du côté où elle portait son influence.

Ainsi, non-seulement la richesse du pays était dans les mains de la noblesse patricienne et plébéienne, mais encore les hommes libres diminuaient sans cesse dans les campagnes. Si l’on en croit Plutarque[2], il n’y avait plus en Étrurie,

  1. Les terres enlevées à la ville de Leontium étaient d’une étendue de trente mille jugera. Elles furent, en 542, affermées par les censeurs ; mais au bout de quelque temps il ne restait qu’un seul citoyen du pays sur les quatre-vingt-quatre fermiers qui s’y étaient installés : tous les autres appartenaient à la noblesse romaine. (Mommsen, II, 75. — Cicéron, Quatrième discours contre Verrès, xlvi et suiv.)
  2. Plutarque, Tiberius Gracchus, ix.