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prolétaires et des affranchis s’accroître, enfin les esclaves remplacer le travail libre. Le service militaire n’était plus considéré par la noblesse comme le premier honneur et le premier devoir. La religion, cette base fondamentale de la République, avait perdu de son prestige. Enfin les alliés étaient fatigués de concourir à la grandeur de l’Empire sans participer aux droits des citoyens romains[1]. Il y avait, ainsi qu’on l’a vu, deux peuples bien distincts : le peuple des alliés et des sujets, et le peuple de Rome. Les alliés étaient toujours dans un état d’infériorité ; leurs contingents, plus considérables que ceux de la métropole, recevaient une solde moitié moins forte, étaient soumis à des châtiments corporels dont on exemptait les soldats des légions. Dans les triomphes même, leurs cohortes, humiliées, suivaient, au dernier rang et en silence, le char du vainqueur. Il était donc naturel que, pénétrés du sentiment de leur dignité et des services rendus, ils aspirassent à être traités en égaux. Le peuple romain proprement dit, occupant un territoire restreint, depuis Cære jusqu’à Cumes, conservait tout l’orgueil des privilégiés. Il était composé d’environ trois à quatre cent mille citoyens[2], divisés en trente-cinq tribus, dont quatre seulement appartenaient à la ville, et les autres à la campagne. Dans ces dernières, on avait inscrit, il est vrai, les habitants des colonies et de plusieurs villes d’Italie, mais la grande majorité des Italiotes était privée de droits politiques, et aux portes mêmes de Rome restaient encore des cités déshéritées, telles que Tibur, Préneste, Signia, Norba[3].

Les plus riches citoyens, en se partageant le domaine

  1. « Et Rome refusait d’admettre au nombre de ses citoyens des hommes par lesquels elle avait acquis cette grandeur dont elle était fière jusqu’à mépriser les peuples du même sang et d’une même origine. » (Velleius Paterculus, II, XV.)
  2. Voyez la liste des recensements dans la note 2 de la page 229.
  3. Mommsen, Geschichte Roms, I, p. 785.