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senti leur cupidité s’accroître au milieu du faste et des délices de l’Orient ; de l’autre, les étrangers, et surtout les Grecs, en affluant en Italie, y avaient apporté, avec leurs arts perfectionnés, le mépris des anciennes institutions. Les Romains avaient subi une influence comparable à celle qu’exerça, sur les Français des xv- siècle et xvis siècle, l’Italie, alors, il est vrai, supérieure en intelligence, mais moralement pervertie. La séduction du vice est irrésistible lorsqu’il se présente sous les formes de l’élégance, de l’esprit et du savoir. Comme à toutes les époques de transition, les liens moraux s’étaient relâchés, le goût du luxe et l’amour effréné de l’argent avaient gagné toutes les classes.

Deux faits caractéristiques, éloignés de cent soixante-neuf ans l’un de l’autre, attestent la différence des mœurs aux deux époques. Cinéas, envoyé par Pyrrhus à Rome, avec de riches présents, pour obtenir la paix, ne trouve personne à corrompre (474). Frappé de la majesté et du patriotisme des sénateurs, il compare le sénat à une assemblée de rois. Jugurtha, au contraire, venant à Rome (643) plaider sa cause, y épuise promptement ses ressources à acheter toutes les consciences, et, plein de mépris pour cette grande cité, il s’écrie en partant : « Ville vénale, et qui périrait bientôt si elle trouvait un acheteur[1] ! »

C’est que la société se trouvait placée, par de notables changements, dans des conditions nouvelles : ainsi on avait vu la populace des villes augmenter, le peuple des campagnes diminuer, l’agriculture se modifier profondément, les grandes propriétés absorber les petites, le nombre des

    la guerre, il fit massacrer en un jour tous les citoyens Romains répandus dans ses États ; 150 000, suivant Plutarque (Sylla, xlviii) ; 80 000, selon Memnon (dans la Bibliothèque de Photius, codex CCXXIV, xxxi) et selon Valère Maxime (IX, ii, 3). La petite ville de Cirta, en Afrique, ne put être défendue contre Jugurtha que par des Italiotes. (Salluste, Jugurtha, XXVI.)

  1. Salluste, Jugurtha, xxv.