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par ses conquêtes dans la Méditerranée, en Illyrie et dans la Cisalpine. Tout à coup la scène change : les dangers qui menaçaient la ville africaine disparaissent. Carthage se relève de son abaissement, et Rome, qui a pu compter naguère 800 000 hommes en état de porter les armes, tremblera bientôt pour sa propre existence. Un changement si imprévu s’opère par la simple apparition dans les rangs de l’armée carthaginoise d’un homme de génie, Annibal.

Son père, Amilcar, chef de la puissante faction des Barca, avait sauvé Carthage en domptant l’insurrection des mercenaires. Chargé ensuite de la guerre d’Espagne, il avait vaincu les peuples les plus belliqueux de cette contrée et formé en silence une armée redoutable. Ayant reconnu de bonne heure le mérite d’un jeune homme nommé Asdrubal, il se l’était attaché avec l’intention d’en faire son successeur. En le prenant pour gendre, il lui avait confié l’éducation d’Annibal, sur lequel reposaient ses plus chères espérances. Amilcar ayant été tué en 526, Asdrubal l’avait remplacé à la tête de l’armée.

Les progrès des Carthaginois en Espagne et l’état de leurs forces dans ce pays avaient alarmé le sénat, qui, dès 526, obligea le gouvernement de Carthage de souscrire à un nouveau traité, interdisant à l’armée punique de passer l’Èbre et d’attaquer les peuples alliés de la République[1]. Ce dernier article se rapportait aux Sagontins, qui avaient eu déjà quelques démêlés avec les Carthaginois. Les Romains affectaient de ne pas les considérer comme aborigènes, et s’autorisaient d’une légende qui faisait de ce peuple une colonie d’Ardée, contemporaine de la guerre de Troie[2]. Par une semblable conduite, Rome se ménageait des alliés en Espagne pour observer ses anciens adversaires, et cette

  1. Polybe, III, xxx.
  2. Tite-Live, XXI, vii.