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Bassins ou Sra. — Les bassins, les pièces d’eau, les fossés même, avec revêtement en grès ou en pierre de Bien-hoa et escaliers sur les parois, sont excessivement répandus soit dans l’intérieur des édifices, soit le long des grandes voies de communication. La nature du sol et du climat fait vivement apprécier l’importance de ces constructions, et, grâce à elles, Angcor est aujourd’hui renommé pour l’eau abondante et pure que l’on est sûr d’y trouver au plus fort de la saison sèche. Les terres extraites des Sra servaient à élever ces hautes chaussées, dont nous avons déjà rencontré des vestiges, et que les Cambodgiens désignent sous le nom de Khnol.

Routes ou Khnol. — Ces chaussées, moins élégantes que celles que nous avons décrites comme parties intégrantes des monuments cambodgiens, avaient trois ou quatre mètres de hauteur et quarante mètres environ de largeur à la base. C’étaient les seules routes facilement praticables, à l’époque des pluies, dans un pays de plaines qui est presque complètement sous l’eau pendant plusieurs mois de l’année. Elles étaient formées quelquefois de deux assises distinctes en retrait l’une sur l’autre ; de distance en distance, aux points les plus bas, des passages étaient ménagés pour les eaux et les deux parties de la chaussée étaient rejointes par un pont. Les Sra que l’on retrouve sur le parcours de ces routes indiquent sans doute les lieux de halte des marchands et la position des principaux villages : dans leur voisinage on retrouve le plus souvent les ruines d’une petite enceinte ou d’un sanctuaire[1].

Quand une chaussée servait d’enceinte soit à une ville, soit à un grand édifice, elle était moins large ; quelques-unes paraissent avoir été soutenues par des murs de pierre ; d’autres avaient peut-être un mur en couronnement.

Ponts ou Spean. — Le peu de hardiesse des voûtes cambodgiennes se retrouve dans les ponts jetés, soit sur les fossés vis-à-vis de l’entrée des villes ou des grands édifices, soit sur les rivières. Dans ce dernier cas, la faible ouverture des arches, et la masse énorme que présentent les piles, restreint assez le passage offert à l’eau, pour que l’on fût obligé d’agrandir le lit de la rivière en amont et en aval du pont et d’augmenter le nombre des arches, enfin d’en compenser le peu de largeur. La surface verticale que les ponts cambodgiens offrent à l’eau se partage souvent en deux parties à peu près égales, celle des arches et celle des piles. C’est à la quatrième rangée et quelquefois plus tôt, que se rejoignent les assises en encorbellement destinées à former l’arche. Dans les ponts jetés sur les fossés des édifices ou des villes, l’arche est même tout à fait rectangulaire et fermée par une pierre unique. On superpose au-dessus plusieurs plans horizontaux de pierres sur lesquelles on établit le tablier. Des balustres de forme carrée, ou représentant des animaux, ou d’autres sujets de fantaisie, supportent une longue rampe en pierre qui sert de bordure au pont et va se relever aux extrémités sous la forme d’un dragon à tête multiple. Les culées, formées également d’assises horizontales, s’élargissent en amont et en aval du pont par de puissants massifs revêtus de marches en pierre. Le pied des piles est éperonné des deux côtés par un surcroît gradué d’épaisseur.

  1. « Dans chaque village, dit l’historien déjà cité, il y a un temple ou une tour… il y a sur les grands chemins des stations pour ceux qui veulent se reposer » (A. Bémusat, loc. cit., p. 90.)