Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/543

Cette page a été validée par deux contributeurs.
502
DE YUN-NAN À TA-LY.

principales plantes qui croissent à Xieng Hong sur les bords du Mékong. À Hong-pou-so, où nous arrivâmes le lendemain de notre départ de Houey-li tcheou, nous étions à 7 ou 800 mètres plus bas que le plateau et le voisinage du fleuve élevait notablement la température. Ce fut pour moi une heureuse circonstance : depuis Houey-li tcheou j’étais atteint d’une pleurodynie qui me causait des douleurs presque intolérables ; j’avais été obligé de me faire soutenir, pendant la marche, par deux Annamites et j’avais craint un instant d’être obligé d’interrompre le voyage. Un repos de trois jours à Hong-pou-so et la chaude atmosphère que j’y respirai me remirent complètement.

Hong-pou-so est un très-gros bourg situé sur les bords d’une petite rivière, à 10 kilomètres environ du fleuve Bleu. Un détachement de troupes assez considérable y tenait garnison. Les Blancs ou Mahométans venaient de faire une pointe sur le Se-tchouen et ils avaient été repoussés avec perte ; tous les bords du fleuve qui sert ici de frontière entre cette province et le Yun-nan étaient couverts de postes fortifiés, construits de 2 li en 2 li et gardés par les troupes impériales.

Les petits officiers qui nous escortaient depuis Houey-li tcheou, eurent toutes les peines du monde à nous faire faire un peu de place dans le tribunal du village. Les fêtes du jour de l’an se prolongeaient encore et, à la tombée de la nuit, les musiciens du bourg vinrent nous donner, dans la cour de notre logis, une sérénade aux flambeaux et une représentation travestie.

Nous allâmes, le 10 février, visiter à cheval le confluent du Kin-cha kiang et du Ya-long kiang, l’un des points géographiques les plus intéressants et les plus importants de notre voyage. Il se trouve à 14 kilomètres dans l’ouest-nord-ouest de Hong-pou-so. Le Kin-cha kiang est loin d’être encaissé comme à Mong-kou, et on y arrive par une pente peu sensible. De petites collines dénudées chevauchent sur ses bords. Le fleuve vient du sud-ouest, puis décrit une courbe qui incline son cours au sud 10° est. C’est au sommet de cette courbe qu’il reçoit le Ya-long kiang ; celui-ci vient du nord et est encaissé entre deux murailles de roches complètement à pic, qui rendent toute circulation impossible sur ses rives. Sa largeur est à peu près égale à celle du fleuve Bleu ; son courant, au moment où nous l’avons vu, était un peu plus fort. Je ne pus mesurer la profondeur des deux fleuves ; elle paraît considérable. Comme à Mong-kou, la crue est de 10 mètres. Je m’aperçus avec étonnement que les gens du pays donnaient le nom de King-cha kiang au Ya-long kiang, c’est-à-dire à l’affluent, et celui de Pe-chouy kiang, « Fleuve à eau blanche », au fleuve principal. Si comme volume d’eau on peut hésiter à première vue entre les deux fleuves, l’aspect des deux vallées révèle immédiatement quelle est celle qui doit conserver le nom du Kin-cha kiang. L’embouchure du Ya-long kiang est une sorte d’hiatus accidentel, dans la ceinture de collines qui borde le fleuve Bleu et la configuration orographique de la contrée indique nettement que ce fleuve vient de l’ouest et non du nord. Les habitants du confluent savent d’ailleurs que ce qu’ils appellent le Pe-chouy kiang est le plus important des deux fleuves par le développement de son cours antérieur. Cette anomalie dans leur appellation paraîtra moins singulière, si l’on se rappelle qu’en Chine les noms de fleuve sont toujours locaux et changent toutes les vingt lieues. Aux environs de