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ROYAUMES DE VIEN CHAN, XIENG MAI ET XIENG HONG.

cesse cause de tous ces crimes, et un jeune fils de Sam Sen Thai, nommé Pempeo, sorte de Joas échappé par miracle, fut élevé au trône de Lan Sang en 1435[1].

Pempeo résida à Xieng Cang et soutint plusieurs guerres contre les Annamites. Il abdiqua en faveur de son fils Tenkan, qui revint habiter Xieng Dong Xieng Tong. Après lui régnèrent Souvana Phalat (1479-1486), et Lan Senkai (1486-1496), qui résida à Luang Prabang. Thau Somphon (1496-1501), son fils, mourut à quinze ans et un de ses grands-oncles, Vichounlarat, fils de Pempeo, lui succéda (1501-1521) et prit le titre de Pha Pouthisat ; il épousa la fille du roi du Cambodge (Voy. ci-dessus, p. 140). Ce fut un roi conquérant et habile : son royaume s’étendit depuis les cataractes de Khon au sud jusqu’au 21e degré de latitude au nord. Il prit part aux guerres civiles qui désolaient à ce moment le Tong-king[2]. Il paraît avoir réuni Xieng Mai à ses États et choisi cette ville pour sa résidence. Son fils Chao Vora Vangsom fut désigné par les mandarins pour le remplacer à Lan Sang, construisit Tât Luong à Vien Chan, ville qu’il choisit pour résidence. Ses successeurs y élevèrent à l’envi de nombreuses pagodes. L’un d’eux paraît avoir épousé une princesse de Siam. C’est à ce moment que le royaume de Vien Chan se trouva engagé dans les guerres qui désolaient la partie occidentale de la péninsule. Le roi du Pégou s’empara en 1558 de la ville de Xieng Mai et ravagea le Laos[3]. Une tentative des Laotiens contre le Cambodge fut repoussée victorieusement (1571) (Voy. ci-dessus, p. 142). Toutes les principautés thai du nord de l’Indo-Chine subirent sa domination. De grands mouvements de populations eurent lieu à la même époque sur les frontières du Laos. Un nombre considérable de Thai-niai allèrent s’établir à Xieng Tong, pour fuir sans doute la tyrannie des Siamois, qui, à la suite de leurs guerres avec Xieng Mai, en avaient déporté un certain nombre à Phitsanaulok et aux environs d’Ayathia. La suprématie du Pégou ne fut que passagère : elle succomba sous les attaques répétées de Naret, roi de Siam, et de Nyoung Mindarah, roi d’Ava. Ces deux princes se disputèrent les dépouilles de leur ennemi commun, et le Laos du nord devint leur champ de bataille. Naret réclama les principautés thai de Muong Nai et de Tsen Vi dont les Birmans s’étaient emparés en 1592, et s’allia avec les princes de Xieng Mai et de Xieng Sen pour les reprendre. Il mourut pendant cette guerre. Nyoung Mindarah poussa ses conquêtes jusqu’à Vien Chan et ramena du Laos un grand nombre de captifs. Il les dissémina dans le Pégou que trente années de guerre avaient dépeuplé[4]. Au bout de quelque temps, les exilés se révoltèrent, retournèrent dans leur pays et lui rendirent ses rois légitimes. En 1628, la principauté de Xieng Mai redevint un instant indépendante ; mais, deux années après, elle dut subir encore le joug des Pégouans.

Nous sommes arrivés à l’époque où Wusthof et le père Leria séjournèrent à la cour

  1. Si l’on en croit les chroniques d’Ayathia, un noble siamois aurait occupé, en 1462, le trône de Lan Sang : je ne trouve pas trace de cet événement dans les chroniques laotiennes. Voy. Chinese Repository, t. V, p. 105.
  2. De Mailla, op. cit., t. X, p. 305 et 309.
  3. Chinese Repository, t. VI, p. 269-271.
  4. Martini, Delle missioni, etc., p. 460-461 ; Chinese Repository, t. VII, p. 544. Martini attribue la défaite des Laotiens au manque d’armes à feu.